Entretien avec Andrea Calì, Professeur de littératures francophones à l’Università di Salento, Directeur de la Revue Interculturel et Président de l’Alliance française de Lecce.
En quelques mots, qu’est-ce qui vous a amené à vous spécialiser en littératures francophones ?
Mon intérêt pour les littératures francophones date de 2001, lorsque l’Université de Lecce a décidé d’élargir l’offre formative en me confiant l’enseignement de « Littératures et cultures francophones ».
Le premier numéro d’Interculturel Francophonies, la revue semestrielle publiée par l’Alliance Française de Lecce que je dirige, remonte à la même période. À ce jour, 22 volumes ont été publiés et la revue est devenue l’une des références indispensables du vaste continent des publications francophones. Ce qui est intéressant et à la fois significatif, c’est que j’ai découvert la francophonie comme remède contre le byzantinisme et le vide d’une littérature à la mode dans les années 90, qui m’avait accablé. Je pense au « nouveau nouveau roman », par exemple.
Selon vous, en quoi les littératures francophones peuvent être un sujet d’enseignement et un support d’apprentissage de la langue française ?
Enseigner les littératures francophones permet, à mon avis, de poursuivre un double but : civilisationnel et linguistique. Faire réfléchir les apprenants sur des modes de vie, des valeurs et des cultures « autres », en les comparant avec leur propre système de pensée, signifie prendre conscience de sa propre identité mais admettre, en même temps, les différences et y cohabiter. Du reste, dans un monde de plus en plus globalisé, dans la société de plus en plus multiethnique où nous vivons, l’attitude de ceux qui s’obstinent à s’enfermer dans leur coquille est tout à fait périmée !
Du point de vue linguistique, lire des textes francophones c’est connaître des imaginaires, des thématiques, des contenus issus de cultures « autres », véhiculés par une langue à vocation universelle (le français) soumise, pourtant, à toutes sortes d’infléchissements. Il suffirait de penser aux métamorphoses que le français « classique » subit sous la plume des écrivains de la créolité ou des romanciers africains inscrivant les modes de l’oralité dans l’écrit… Encore une fois, l’apprenant est appelé à découvrir des différences et à apprécier toute la créativité que l’écrivain francophone affiche dans son traitement de la langue française.
Quels conseils donneriez-vous à un enseignant de FLE qui souhaite intégrer la littérature francophone en
classe ?
Un choix pondéré des textes est, à mon sens, nécessaire. Il faudrait partir de la lecture et de l’étude d’une anthologie visant à présenter les œuvres-clé d’une aire francophone bien circonscrite. Si l’on décide, par exemple, d’illustrer le mouvement de la Négritude, quelques poèmes de Senghor, un extrait du Cahier d’un retour au pays natal de Césaire, mais également quelques passages de L’Enfant noir de Camara Laye en diraient plus que n’importe quel discours doctoral. Le contact immédiat avec les textes est, à mon avis, fondamental.
Vous êtes président de l’Alliance française de Lecce et, dans ce cadre, vous participez à la mise en place des prochaines journées pour le français. En quoi consistent ces journées ? Quelle thématique développerez-vous cette année ? Dans quels buts ?
Les « Journées pour le français » sont un événement très important dans le cadre de la formation des enseignants de français en Italie. Le réseau italien des Alliances Françaises, réunies autour d’une Fédération et sous l’égide de l’Institut Français Italia de l’Ambassade, organise ces journées de formation qui se déroulent à un niveau interrégional depuis quelques années. Ainsi, l’Alliance Française de Lecce, celles de Bari et de Tarente – pour les Pouilles – celle de Potenza – pour la Basilicate – et celle d’Avellino – pour la Campanie – s’associeront pour présenter, du 20 au 24 novembre prochain, une journée consacrée à « La francophonie en classe de FLE ». Le matin , une conférence plénière, donnée par un spécialiste, aura comme sujet le thème choisi ; l’après-midi, deux ou trois ateliers développeront les autres aspects de la francophonie comme le cinéma francophone, le français et le créole, le français et les langues africaines, etc.
Le but est éminemment pédagogique : offrir aux profs du collège et du lycée des thèmes à exploiter, à leur tour, dans la classe, en tenant compte du renouvellement méthodologique et de la mise à jour des stratégies d’apprentissage.
Pour finir, quels auteurs, quelles œuvres de littérature francophone conseilleriez-vous à nos lecteurs ?
On ne peut pas se passer des textes fondateurs : Senghor, Césaire, Hampâté Bâ pour la littérature africaine ; Alexis, Depestre, Glissant pour la littérature caribéenne ; Rabemananjara et Rabearivelo pour la littérature de l’Océan Indien… Mais il faudrait aussi essayer de toucher quelques écrivains contemporains, tels que Laferrière et Mabanckou…L’univers francophone est tellement foisonnant !
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La Revue Interculturel
Le site de l’Alliance française de Lecce