Entrez dans les coulisses de deux blogs de FLE : T’enseignes-tu (le FLE) ? et GABFLE.
Bonjour, Céline, bonjour Gabrielle, et merci d’être venues aujourd’hui à Paris pour nous parler de vos blogs. Pouvez-vous vous présenter ?
Gabrielle Chort (GABFLE) : J’ai fait des études de FLE. J’ai commencé à Bordeaux puis j’ai travaillé sur Bordeaux, en Lettonie et je suis arrivée en 2004 à Amboise, une petite ville où il y a une école de FLE qui s’appelle Eurocentres et j’y suis depuis avec des projets à droite à gauche en plus.
Céline Mezange (T’enseignes-tu (le FLE) ?) : Moi je n’ai pas fait de FLE tout de suite, j’ai d’abord étudié la communication et puis l’espagnol aussi et puis je suis rentrée ensuite en option de français langue étrangère à l’université et à partir de là j’ai commencé à enseigner un petit peu en plus des cours et j’ai continué ensuite jusqu’au master. J’ai enseigné en France et à l’étranger, au Costa Rica et au Mexique surtout et puis je suis de retour en France depuis un an où j’ai enseigné à des publics migrants et puis en ce moment à l’université. Donc, j’enseigne depuis 2006.
Alors, vous tenez toutes les deux un blog, donc t’enseignes-tu (le FLE) pour toi Céline. Pourquoi avoir choisi ce nom ?
Céline Mezange (T’enseignes-tu (le FLE) ?) : Déjà parce que lorsque je cherchais un nom pour le blog, je ne voulais absolument pas faire un jeu de mots avec FLE et j’avais une amie québécoise au Mexique qui me disait toujours « Tu veux-tu du café ? ». Ça me faisait beaucoup rire et ça correspondait à l’idée que j’avais de l’enseignement, c’est-à-dire que l’on n’enseigne pas que le français de France et ça m’amusait beaucoup de reprendre une structure qui venait du Québec. C’était un petit clin d’œil aussi à cette copine. Puis on s’est dit qu’on verrait ce que ça donnerait et il fonctionne aujourd’hui ce nom. Il y a des gens qui n’aiment pas du tout. Il n’y a pas longtemps, j’ai reçu un mail d’une personne qui disait : « j’aime beaucoup ce que vous faites mais je ne comprends pas pourquoi il y a une faute de grammaire dans le nom de votre blog ». En tout cas, ça fait réagir. Les gens retiennent le nom qu’ils l’aiment ou qu’ils ne l’aiment pas. Ça a cette volonté d’être francophone plus que français.
Gabrielle Chort (GABFLE) : Pour moi, ce n’était pas très réfléchi au début. Je suis partie de l’idée de faire un blog pour l’auto apprentissage avec de la compréhension orale. Alors, j’avais pensé à AutoFLE ou quelque chose comme ça. Mais en tapant sur Google, j’ai vu que ça dirigeait vers des sites de voitures et que ce n’était pas… Comme je voulais tout de suite lancer le blog, je me suis dit que j’allais le personnaliser un peu. Le début de mon prénom, c’est aussi parce que je voulais que ce ne soit pas vu comme quelque chose d’institutionnel, c’est très artisanal. Montrer qu’il y avait quelqu’un derrière le blog. J’ai quand même gardé FLE car ça permet de l’identifier comme du français langue étrangère. Les apprenants ne connaissent pas forcément le terme FLE, français langue étrangère, mais je me suis dit que c’était aussi l’occasion de le découvrir. Quand on est apprenant, si l’on connaît ce terme, sur les moteurs de recherche, on aura accès à plein de choses.
Comment et à quel moment avez-vous eu l’idée de créer un blog ?
Gabrielle Chort (GABFLE) : Moi, c’était en 2008. J’y réfléchissais depuis 2007. À l’époque, il y avait déjà des ressources pour la compréhension orale sur le Net mais c’était TV5, RFI, donc des trucs supers mais des médias. La typologie de documents, c’était plutôt des infos, des reportages etc. Moi, souvent, je cherchais du français plus quotidien : des conversations, des discussions avec du français informel, parlé comme on parle tous les jours avec les erreurs de grammaire éventuelles et ça je trouvais que ça manquait.
Est-ce que ces compréhensions orales-là tu les utilises, toi, en classe ?
Gabrielle Chort (GABFLE) : Ça m’arrive, oui !
Céline Mezange (T’enseignes-tu (le FLE) ?) : Moi, je les utilise régulièrement. Il n’y a pas longtemps, j’en ai utilisé une sur Stromae où j’ai créé une séquence en introduisant tes documents et c’était génial.
Et toi Céline, que peux-tu nous dire sur la création de T’enseignes-tu ?
Céline Mezange (T’enseignes-tu (le FLE) ?) : Il est né en février 2012. La démarche est un peu différente. C’était plus une frustration au niveau de mon travail c’est-à-dire que j’ai beaucoup bougé, voyagé pour mon travail. Partout, j’ai rencontré des collègues géniaux qui avaient plein d’idées, des gens spécialisés sur le jeu, Gabrielle avec qui je travaillais à l’université à distance etc. En fait, je me rendais compte qu’il y avait très peu d’espaces où l’on pouvait collaborer. L’idée de départ était donc de créer un lieu dans lequel on pouvait échanger et faire appel aux gens que j’ai rencontrés au cours de mon parcours professionnel. Quand j’ai commencé, je ne pensais pas que deux ans après, il existerait encore et qu’il serait diffusé comme il est diffusé aujourd’hui ! C’est une bonne surprise. Aujourd’hui, on est 10 à écrire surT’enseignes-tu ?.
Qui sont les gens avec lesquels tu travailles ?
Céline Mezange (T’enseignes-tu (le FLE) ?) : Tous sont profs de FLE et ont un travail puisque – et on en reparlera – je ne finance pas aujourd’hui les participations. On ne génère aucun bénéfice avec T’enseignes-tu ? Il y a Gabrielle qui est à Amboise, j’ai des gens qui sont à New-York, j’ai une prof qui est au Panama, on a des collègues qui sont plus vers Rennes. Donc c’est vraiment un peu éparpillé. Là, il y a quelqu’un qui va nous rejoindre qui travaille en Turquie. Donc voilà ce sont des enseignants qui ont envie d’intégrer ce projet car ils cherchent aussi cet échange.
Comment vous vous organisez ?
Céline Mezange (T’enseignes-tu (le FLE) ?) : Par exemple, on a une réunion prévue la semaine prochaine, on travaille beaucoup avec les hangouts, ça nous permet d’être 10 en ligne, de se voir, de parler. Il y a une partie que j’aime beaucoup aussi, c’est cette animation d’équipe. On a aussi une plateforme collaborative sur laquelle on poste les articles avant publication. Cela permet à d’autres auteurs de relire les articles, cela fait vraiment naître la réflexion collective et c’est vraiment intéressant.
Est-ce que, sur la toile, il y a des blogs ou des sites qui vous ont inspirées, qui vous inspirent toujours, que vous aimez particulièrement ?
Gabrielle Chort (GABFLE) : Oui, à l’époque, il y avait tout le travail de Thierry et Anne Perrot, polarfle, lexiquefle, phonétiquefle. Voilà, ce sont un peu les premiers qui ont fait des choses sur la toile et moi, dès le début, ça me plaisait. Il y avait aussi Carmen Vera Pérez et la chanson francophone en cours de FLE. Il y avait déjà aussi à l’époque des blogs de profs, ça commençait. Y avait aussi un blog, je ne sais plus comment il s’appelait mais la fille se faisait appeler Foxtrot*, c’était son pseudo, et elle parlait du monde du FLE, il y avait des fiches pédagogiques, des réflexions sur le métier d’enseignant et elle a arrêté le FLE depuis parce qu’elle n’y arrivait plus financièrement. Le côté précaire a fait qu’elle a arrêté le FLE mais c’était un blog tout simple avec des articles, je le lisais souvent et c’est celui-ci qui m’avait fait penser : ça a l’air simple…
Il y a aussi tout ce qui existe en Espagne, en Allemagne depuis les années 2005-2006, ils ont plein d’initiatives…
Je voudrais en profiter pour parler de deux projets, initiés par la même personne, qui ne sont pas relayés, c’est France Bienvenue et France Bienvenue 2 qui s’appelle en fait je dis, tu dis, il dit, nous disons… C’est un peu le même principe que GABFLE avec des documents audios et des transcriptions. Je pense aussi à Kellyfle.
Céline Mezange (T’enseignes-tu (le FLE) ?) : Bien, moi, oui, pareil, en plus de ceux qu’elle a cités, il y a insuf-FLE et TICs en FLE aussi. J’avais eu une réflexion qui était de me dire qu’il y avait beaucoup de blogs qui naissaient et beaucoup qui duraient un an, deux ans parce que le fait d’être tout seul, ça complique les choses. Et sur T’enseignes-tu ?, on n’est pas dans un espace de parole individuel, on a voulu essayer de créer une équipe en se disant que le projet peut tenir plus longtemps, moins s’essouffler. C’est un vrai travail de tenir un blog, le fait d’être une équipe permet une régularité dans les parutions – deux par semaine – et d’autres réflexions, d’autres approches en fonction des contextes d’enseignement.
Toi, tu es toute seule Gabrielle ?
Gabrielle Chort (GABFLE) : Oui, quasiment, disons pour mettre en ligne les articles, après j’ai des coups de pouce, des amis, des collègues qui me disent ah tiens on pourrait interviewer telle personne. J’ai un document qui a été fait par une autre personne, une vidéo avec deux Québécois qui parlent. C’est rigolo ! C’est une prof de FLE québécoise qui l’a réalisée et qui me l’a envoyée. Je ne la connaissais pas, elle a pris contact avec moi via le site. Le blog s’appelle GABFLE, interview pour pratiquer le français avec des personnes francophones et pas seulement françaises.
Est-ce que vous pouvez me donner une moyenne hebdomadaire de temps que vous passez à travailler sur votre blog ?
Céline Mezange (T’enseignes-tu (le FLE) ?) : Moi, très clairement, j’ai fait un choix, j’ai décidé de me consacrer au blog cette année donc je donne 12h de cours et le reste du temps, je le consacre à T’enseignes-tu ?. Aujourd’hui j’y travaille entre 25 et 30 heures par semaine. C’est une volonté, un choix personnel que j’ai fait parce qu’on va essayer d’autofinancer le projet. Nous allons d’abord rentrer en coopérative d’entreprises, alors pas d’inquiétude, le blog restera complètement gratuit, c’est juste pour mener à bien un projet comme celui-ci. Moi je dépense de l’argent aujourd’hui par exemple pour héberger ce blog. Donc, on va avoir de la publicité très ciblée, maisons d’édition par exemple. Et à côté, on développe une autre idée qui serait d’aller vers de la formation de formateurs. Ça nous permettrait de faire vivre le blog. Aujourd’hui, je ne rémunère pas les auteurs mais l’idée pour moi, c’est que si on arrive à l’autofinancer, j’aimerais pouvoir rémunérer à terme les auteurs en droits d’auteur. Je ne veux pas être dans la logique de mon métier où justement, on travaille gratuitement.
Gabrielle Chort (GABFLE) : Alors, j’y passe pas mal de temps mais je ne pourrais pas le quantifier. Ça dépend des semaines, je peux dire que pour un billet, un article de blog ce sera entre 2h30 pour les coups de cœur où c’est plus simple et 4-5 heures.
En matière de contenus pédagogiques ou didactiques, qu’est-ce qu’on trouve exactement sur votre blog ?
Gabrielle Chort (GABFLE) : D’une certaine manière, il y a quatre types d’articles sur GABFLE. La majorité, ce sont des activités de compréhension orale avec un document audio, un quiz, la transcription et des explications de grammaire, de vocabulaire ou de phonétique en fonction des caractéristiques du document. Depuis quelques temps, il y a des coups de cœur, donc c’est juste le document audio, la transcription et quelques liens éventuels. Je fais de petites activités de temps en temps de phonétique mais toujours avec un document audio et un petit quiz et des quiz de vocabulaire. J’essaie toujours de mettre un peu d’audio là-dedans. Ça s’écoute !
Céline Mezange (T’enseignes-tu (le FLE) ?) : Sur T’enseignes-tu ?, on va trouver des fiches pédagogiques prêtes à l’emploi – une ou deux par mois à peu près- mais on voulait aussi de la réflexion, faire le lien entre la théorie et la pratique. Par exemple, on va proposer des ouvrages, des réflexions sur une thématique d’enseignement, des pratiques de classe, des choses comme ça. J’avais fait un article « Il me reste 5 mn, qu’est-ce que je fais ? ». On propose des ressources, je pense à ton article, Gabrielle, de la semaine dernière, sur les courts métrages où tu as choisi 6 courts métrages qui sont en ligne avec des propositions pédagogiques très générales, des pistes. Ah et j’oubliais Vie de prof. J’ai un très bon ami du Québec qui m’a beaucoup aidée au niveau technique et qui m’a proposé ce principe du Tumblr humoristique sur la vie du prof qui fonctionne très bien.
Alors, vous avez toutes les deux relayé votre blog sur Facebook…
Céline Mezange (T’enseignes-tu (le FLE) ?) : C’est un gros moyen de diffusion. J’utilise aussi twitter, pinterest et linkedIn.Facebook reste le réseau social qui m’a permis de vraiment diffuser et de rencontrer des gens aussi.
Gabrielle Chort (GABFLE) : Il y a des échanges qui naissent aussi sur Facebook. Beaucoup de gens qui « aiment », qui commentent. Ça permet aussi d’établir des liens avec d’autres sites.
Quels conseils vous donneriez à un prof qui voudrait se lancer ?
Gabrielle Chort (GABFLE) : Moi, je dirais surtout, si c’est un projet en solo ou en tout petit groupe, qu’il faut peut-être se singulariser. Il y a énormément de blogs qui sont des blogs de prof ou de classe qui sont supers. Si l’on veut que le blog ait une portée plus large, il faut se démarquer. Je pense à des blogs ou à des sites qui marchent très bien parce qu’ils ont une singularité, je pense à InteractiFLE par exemple ou les Zexperts ou artsdufle bien sûr, voilà, un podcast FLE, quelque chose qui est ciblé sur les jeux. Ça peut être une bonne idée de cibler la compréhension écrite par exemple, il n’y a pas énormément de choses sur la toile pour le FLE ou le vocabulaire…
Et techniquement ?
Gabrielle Chort (GABFLE) : Techniquement, on peut se dire qu’on peut commencer même si l’on n’y connaît absolument rien. Moi, j’ai commencé en allant sur des forums de discussion, il y a toujours quelqu’un qui a mis un tutoriel ou une explication et c’est assez facile. Il faut être patient mais on y arrive !
*Ce blog s’appelait « FLE z’et merveilles ».
Rédaction : Fanny Kablan