L’interview se prête bien au travail journalistique en classe. Quelques pistes pour la classe.
De l’idée au texte final, le processus peut en effet s’étaler sur plusieurs séances et permet d’aborder des tâches spécialisées telles que la recherche d’information (pour préparer l’interview), la circonscription du thème de l’interview, la rédaction de questions ouvertes ou encore la synthèse (pour définir le titre et le chapeau ainsi peut-être que quelques citations).
Il est rarement difficile de trouver quelqu’un à interviewer dans le cadre scolaire : équipe de l’école, responsables locaux, personnalités de la ville dans le domaine du sport, des arts ou encore de l’économie, artisans… La liste pourrait être longue !
1. Types d’interviews
L’interview en face-à-face
Il s’agit de l’interview traditionnelle. Elle permet de rencontrer directement la personne, de prendre des notes sur son attitude et les marques de personnalités, mais aussi de faire évoluer, au besoin, la nature ou l’ordre des questions au fil de l’entretien.
Cette interview peut donner lieu à une prise de notes ou bien à un enregistrement – il est nécessaire de demander au préalable à la personne son accord pour l’enregistrer. La combinaison des deux techniques est la meilleure, car elle permet de garder trace de tout ce qui est dit tout en ayant déjà une sélection de faits saillants ou d’expressions à citer. La réécoute peut être parfois fastidieuse. L’enregistrement se positionne en tant qu’appui à une première sélection de paroles.
L’interview téléphonique
Lorsqu’il est impossible de rencontrer l’interviewé en personne, le téléphone est un bon palliatif dans la mesure où il permet d’obtenir un contact assez direct, au travers de la voix. Comme pour le face-à-face, la combinaison de la prise de notes et de l’enregistrement est efficace mais il faut en avertir l’interlocuteur et préparer (et tester ! ) le matériel adéquat.
L’interview par courriel
Si la personne est hors de portée téléphonique (par exemple à cause du coût des appels vers l’étranger), la messagerie électronique est la solution optimale.
La méthode diffère beaucoup des deux types précédents car il s’agit d’une interview écrite et non orale. La liste des questions est envoyée en entier à l’interlocuteur ; le journaliste ne peut donc pas les modifier au cours de l’interview. Le résultat risque aussi d’être moins spontané mais peut gagner en précision.
2. Rédiger les questions
Pour être efficace et donner un bon article, une interview doit être bien menée. Les questions spontanées permettent de s’adapter au déroulement de l’entretien en rebondissant par exemple sur un propos inattendu de l’interlocuteur ou bien en reprenant un mot ou une idée au vol mais de manière générale il est plus sûr et très utile d’avoir un canevas de questions déjà prêt.
Une interview fonctionne selon un mécanisme précis de questions / réponses. Les journalistes varient les angles et les fonctions afin d’approfondir des points ou de faire évoluer l’entretien. Il existe donc plusieurs catégories de questions :
Questions ouvertes ou fermées
Les questions fermées sont restrictives. Elles appellent une réponse factuelle telle qu’une date, un nom ou encore une simple affirmation ou négation. Les réponses peuvent être davantage développées mais la question ne requiert pas ces précisions.
Ex. : Quand aura lieu votre prochain concert ?
Quel est l’auteur de la pièce que vous avez adaptée ?
Êtes-vous content de la saison que vous avez réalisée ?
À l’inverse, les questions ouvertes sont larges et n’indiquent qu’un thème : l’interviewé a toute latitude pour répondre.
Ex. : Comment avez-vous préparé ce spectacle ?
Qu’avez-vous préféré faire lorsque vous étiez élu ?
Questions primaires et secondaires
Les questions primaires sont celles que le journaliste pose en premier. Elles permettent de définir le thème traité et d’enchaîner avec de nouveaux thèmes.
Ces questions peuvent être rédigées à l’avance.
Ex. : Comment êtes-vous devenu artisan ?
Que peuvent faire les jeunes pour défendre l’écologie ?
Les questions secondaires apparaissent dans un second temps et servent à approfondir les réponses données par l’interviewé. Elles permettent de suivre le fil de la discussion ; on les nomme aussi « questions de suivi ».
Ces questions spontanées naissent au fil de l’entretien : il est donc important de bien écouter l’interviewé afin de ne pas manquer un aspect important qui devrait être creusé.
Ex. : [L’artisan raconte que son père était artisan et qu’il l’est devenu en travaillant avec lui] Souhaitez-vous que votre fils suive vos pas et devienne lui aussi artisan ?
Ex. : [L’écologiste dit que la défense de la nature peut passer par des gestes du quotidien : ne rien jeter dans la rue, recycler les emballages, etc.] Existe-t-il des clubs où les jeunes écologistes peuvent se rassembler pour faire des actions communes ?
Les questions de suivi ont plusieurs fonctions. Elles servent notamment à :
- demander des explications supplémentaires sur un point mentionné par l’interviewé. Les termes « comment » et « pourquoi » sont très employés, de même que « quel », « qui », etc. Le journaliste peut aussi demander un exemple, une justification, des chiffres… ;
- aider un interlocuteur qui aurait du mal à répondre, en posant par exemple des questions plus simples, notamment des questions fermées ;
- établir des liens entre différents passages de l’entretien, qu’ils soient cohérents ou au contraire contradictoires.
Questions neutres ou tendancieuses
Il existe bien des manières de formuler la même question. En fonction des termes qu’il emploie, le journaliste peut influencer ou non son interlocuteur et lui permettre d’obtenir la réponse qu’il attend.
Ex. : Que pensez-vous de la décoration du hall de l’école ?
Ne pensez-vous pas que la nouvelle décoration du hall est très réussie ?
Le nouveau hall est bien décoré, non ?
3. Préparer l’interview
La préparation de l’interview est capitale. Le fait de s’être documenté sur le thème traité et la personne interviewée permet de poser des questions pertinentes : l’interlocuteur doit sentir que le journaliste est en terrain connu. Il est également utile de s’informer sur le sujet de manière générale. Ainsi, l’interview d’un directeur d’une usine de transformation de viande peut donner lieu à des recherches sur les filières agroalimentaires, les lois qui s’y rattachent, les polémiques telles que celle de la maladie de la « vache folle ». Cette recherche permet d’ouvrir de nouvelles pistes et de donner des idées de questions.
Les étapes de la préparation d’une interview sont les suivantes :
1. Demande d’interview :
- contacter la personne
- se présenter
- présenter le média pour lequel on souhaite faire l’interview
- indiquer le thème traité
- fixer la date, l’heure et la durée du rendez-vous (et le lieu, pour une rencontre)
- demander l’autorisation d’enregistrer l’entretien. Si la personne émet des réserves, le journaliste peut avancer que l’enregistrement sert à conserver une reproduction fidèle des paroles (et ainsi ne pas déformer les propos de l’interviewé) et par la suite à évaluer l’interview au niveau technique pour progresser.
2. Recherche d’informations :
- s’informer sur le sujet de l’interview (articles déjà parus, livres, rapports, autres interviews)
- s’informer sur la personne interviewée
3. Préparation des questions
4. Préparation du matériel d’enregistrement et éventuellement d’un appareil photo
4. Mener l’interview
Une liste de questions doit être préparée avant l’interview mais il est important de pouvoir s’en détacher si l’entretien prend une tournure inattendue. C’est pour cette raison qu’il est important de bien préparer la rencontre : un journaliste qui maîtrise son sujet reste détendu, naturel et spontané pendant l’entretien… et surtout à l’écoute de son interlocuteur !
Pour commencer, des questions « faciles » et fermées permettent aux interlocuteurs de prendre leurs marques et d’aborder peu à peu le cœur du sujet. Ainsi, l’interview d’un voyageur au long cours pourrait commencer par la durée du voyage et les pays visités puis seulement aborder les anecdotes de voyage et les lieux préférés.
Il est très important de bien écouter ce que dit la personne et non de suivre à la lettre la liste de questions et d’enregistrer automatiquement les réponses. Cela permet non seulement de faire évoluer l’entretien en fonction des réactions de l’interlocuteur mais aussi de noter immédiatement les éléments saillants que vous allez mentionner dans votre article. L’obtention de faits, de chiffres ou encore d’impressions constitue le fondement du travail journalistique.
À la fin de l’interview, après avoir remercié, le journaliste peut demander s’il est possible de recontacter la personne ultérieurement pour repréciser des faits ou répondre à une ou deux questions supplémentaires par téléphone ou courrier électronique.
Interview non enregistrée
Dans ce premier cas, le journaliste ne pourra compter que sur sa mémoire et ses notes pour rédiger son article. Il est donc important de vite écrire les éléments importants. Pour cela, il est préférable d’utiliser des abréviations et des codes (par exemple X pour une opposition, = pour une ressemblance ou encore ? pour une conséquence). Il est utile de relier les notes dès que possible après l’interview pour se la remettre en tête et compléter avec des souvenirs.
Interview enregistrée
L’enregistrement de l’interview permet de sélectionner les éléments les plus importants en note, en particulier ceux sur lesquels le journaliste souhaite rebondir. Ce procédé permet en outre de se concentrer sur les réponses et de réfléchir en même temps à la tournure et à la suite de l’entretien.
5. Rédiger l’article
Idéalement, le rédacteur doit sortir de l’entretien avec son article en tête. Afin de « battre le fer tant qu’il est chaud », le journaliste réunit donc ses idées et rédige un plan ou un brouillon d’article juste après l’interview. Les notes servent simplement à soutenir sa mémoire et l’enregistrement (s’il existe) à relever ou vérifier une citation.
Il est important de garder en tête l’angle du texte afin de ne pas se limiter à une liste de citations qui paraphrase l’interview. À moins de vouloir publier l’entretien tel quel, l’article doit dépasser le cadre d’un compte rendu et exprimer une intention, un ton.