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Dossier Enseignement précoceSynthèse

Les méthodes
destinées aux enfants

L’enseignement du français aux enfants est un secteur en plein essor. Pour mieux appréhender le cadre et les moteurs de cette évolution, nous avons recueilli les avis de plusieurs auteurs de méthode, que nous remercions chaleureusement pour leur participation :

Hugues Denisot, co-auteur de Tatou le matou, Les Mots de Némo, Super Max
Nadja Döring, co-auteur de Caramel
Catherine Macquart-Martin, co-auteur de Super Max
Corinne Marchois, auteur de Ludo et ses amis
Marie-Laure Poletti, auteur de Grenadine (en collaboration avec Clelia Paccagnino)
Frédéric Vermeersch, co-auteur de Caramel

Quels sont les éléments impératifs d'une méthode d'enseignement des langues pour enfants par rapport à une méthode pour adolescents et a fortiori pour adultes ?

Dans une librairie, on repère au premier coup d’œil les rayonnages présentant les méthodes de langues pour enfants, qui se distinguent de celles destinées à leurs aînés en de multiples points.

Faire de la méthode un "objet de désir"

On remarque les méthodes pour enfants à leurs couvertures colorées qui mettent en avant des personnages de type "BD" ou "dessin animé" parfois issus de mondes imaginaires. La différence persiste lorsqu’on feuillette les ouvrages : le graphisme, les illustrations et la maquette sont des éléments de distinction forts qui "se doivent d’être familiers aux enfants. Aussi sont-ils très proches de ceux utilisés dans les supports écrits destinés aux enfants, à savoir les albums, les magazines… D’ailleurs plusieurs méthodes destinées aux très jeunes apprenants ont un format d’album, une (ou des) histoire(s) suivie(s) et de grandes illustrations" signalent Hugues Denisot et Catherine Macquart-Martin. Les éditeurs s’inspirent d’ailleurs des conseils des jeunes utilisateurs de leurs ouvrages. Ainsi, pour la méthode Grenadine de Marie-Laure Poletti, "le graphisme est le résultat du choix d’un panel d’enfants parmi plusieurs propositions".

L’inventivité de l’accompagnement audio est une autre particularité des méthodes pour enfants. Les ouvrages sont systématiquement vendus avec des CD comportant pour la plupart des chansons, des comptines ou encore des histoires en plus des traditionnels dialogues.

Les thèmes abordés par ces méthodes sont naturellement adaptés à l’âge de leur public. En effet, comme l’expliquent Frédéric Vermeersch et Nadja Döring, "les jeunes enfants sont curieux et motivés. Pour autant, ils ont du mal à soutenir leur attention. C'est pour cela qu'il faut choisir des thèmes qui suscitent leur intérêt". C’est pourquoi "les méthodes pour enfants abordent également des thèmes liés au merveilleux. Elles situent en effet leurs personnages principaux, eux-mêmes des enfants, dans des mondes (semi-)imaginaires où interviennent des animaux personnifiés, des super héros, des personnages de conte, des monstres..." précisent H. Denisot et C. Macquart-Martin. Dans Grenadine par exemple, "le choix a été fait d’un fil conducteur et d’un univers "double", un univers réaliste (l’histoire suivie de six enfants) et un univers imaginaire, celui de la "sorcière" Grenadine. Cette gentille sorcière introduit les moments d’évasion, de créativité, de bonne humeur grâce à ses chansons, ses jeux et ses trouvailles farfelues" (M.-L. Poletti).

Bref : graphisme, musique, thèmes… "Autant d’éléments qui, comme dans les albums de littérature de jeunesse, font du livre un objet de désir". Et pour cause : "Du côté de l’élève, tout est fait pour éveiller et soutenir sa curiosité, guider, motiver et construire" commente M.-L. Poletti. C’est pourquoi les méthodes pour enfants "font appel aux cinq sens, visent à développer les Intelligences Multiples et permettre aux enfants d’interagir voire de collaborer" (H. Denisot et C. Macquart-Martin) au travers par exemple de travaux pratiques, de recettes de cuisine ou encore d’organisation de fêtes.

Adapter les activités au jeune public

Comme l’indique Corinne Marchois, "les enfants n’ont pas une durée d’attention très longue, ils ont besoin de diversité dans les activités proposées : ces activités seront brèves, mais au service d’un même objectif. Pour les jeunes enfants, il est indispensable de commencer par une phase d’écoute active, suffisamment longue (10 min environ, ou plus si nécessaire), pour laisser le temps aux élèves d’écouter et de comprendre, de s’imprégner des sonorités de la langue, avant de les faire reproduire, là encore sous forme ludique, et non sous la forme "répète après moi".

Pour N. Döring et F. Vermeersch, il est impératif de "proposer un large choix de jeux car ils permettent :

  • de proposer une grande variété de situations motivantes et familières,
  • de modifier le rythme d’un cours et de relancer l’intérêt des élèves,
  • d’apporter aux apprenants un moment où ils s’approprient l’action,
  • de faire répéter et réutiliser de façon naturelle des structures, du vocabulaire,
  • d’améliorer les compétences de prononciation et de compréhension par une mise en situation,
  • d’obtenir une attention et une implication de l’ensemble des apprenants et
  • de faire participer les apprenants timides et anxieux."

Les auteurs de Caramel suggèrent d’"utiliser le plus possible les jeux de rôle qui permettent aux élèves de réinvestir le lexique appris précédemment dans une situation de communication la plus authentique possible."

Equilibrer la part de l’oral et de l’écrit

Les auteurs s’accordent sur le fait que l’oral est au cœur des méthodes pour enfants. Ainsi, selon H. Denisot et C. Macquart-Martin, "les activités langagières mises en œuvre sont en priorité celles qui concernent l’oral. Avec les plus jeunes, on cible plus particulièrement l’écoute, voire l’attention envers les messages oraux". "Comme pour les adolescents et les adultes, les objectifs de l’enseignement des langues aux enfants sont avant tout communicatifs". Dans la plupart des cas, "la méthodologie retenue vise à donner confiance aux enfants et à leur permettre de communiquer rapidement dans la langue qu’ils apprennent. Ainsi le vocabulaire est-il limité à l’essentiel et répété dans plusieurs situations et plusieurs activités".

"Toutefois, dès que les enfants sont des lecteurs confiants dans leur langue de scolarité, on peut introduire les activités langagières écrites" comme dans Super Max. "À partir de 9 ans (âge donné à titre indicatif mais qui peut varier en fonction de la proximité de la langue maternelle et de la (ou des) langue(s) étudiée(s), du programme défini par l’institution, du nombre d’heures de cours par semaine…), l’observation et la conceptualisation de phénomènes linguistiques saillants peuvent être proposés".

C’est le cas dans Caramel, de N. Döring et F. Vermeersch, pour lesquels "l'apprentissage de la langue orale et une approche de l'écrit doivent être complémentaires, voire indissociables. En effet, l'écrit permet de structurer les phrases et de mieux les mémoriser".

Il en est de même dans Grenadine de M.-L. Poletti : "Si la méthode donne la priorité à l’oral, comme c’est le cas de tous les matériels produits pour les enfants, un traitement spécifique a été réservé à l’écrit pour faire entrer progressivement les élèves, y compris ceux qui découvrent la graphie de la langue française, dans le code écrit."

Eviter le métalangage

Les méthodes pour grands enfants approchent la langue sous un angle plus linguistique mais H. Denisot et C. Macquart-Martin signalent qu’il faut cependant éviter "d’employer de trop nombreux termes métalinguistiques qui surchargeraient les contenus". Pour N. Döring et F. Vermeersch, il faut faire prendre conscience de la structure de la langue sans pour autant utiliser de métalangage : "Notre expérience montre qu'il est indispensable de faire prendre conscience des règles fondamentales du français même aux jeunes enfants. Sinon leurs performances et leurs résultats en expression orale et, plus tard, en expression écrite risquent d'être décevants". Voyez par exemple sur cette image ainsi qu'aux pages 11 et 12 de cet extrait de guide pédagogique (PDF) le biais graphique employé pour faire découvrir les pronoms personnels il et elle dans Caramel.

Le graphisme est l’un des outils particulièrement employés en substitution au métalangage : "un code de couleur est utilisé pour faciliter l’analyse et la mémorisation des phénomènes linguistiques, par exemple, pour les genres : les noms masculins sont écrits en bleu, les noms féminins en pourpre…" indiquent H. Denisot et C. Macquart-Martin.

Rester en adéquation avec l’âge des apprenants

Il faut "garder en mémoire que la progression se fait à petits pas" rappelle M.-L. Poletti. Il est donc préférable d’"éviter un trop grand décalage entre ce que l'élève maîtrise effectivement (vocabulaire "actif" : mots ou structures que l'élève comprend, répète et réutilise à bon escient) et ce qu'il peut comprendre (vocabulaire "passif" : il comprend ces mots quand il les entend ou les lit)" expliquent N. Döring et F. Vermeersch.

Autre spécificité de ces ouvrages, les méthodes pour enfants ne visent pas seulement la communication en langue étrangère : "L’enseignement d’une langue étrangère aux enfants cherche à développer des compétences et des attitudes transversales comme l’ouverture aux autres ou encore les compétences métacognitives (qui concernent l’apprendre à apprendre) que les jeunes apprenants sont encore loin de maîtriser" (H. Denisot et C. Macquart-Martin).

Est-ce que l'enseignement aux enfants de la langue française comporte des particularités par rapport à l'enseignement d'autres langues ?

Pour C. Marchois, "la démarche est la même. Après il faut tenir compte des spécificités des langues, surtout phonologiques, mais sur le fond, pas de différences". En effet, un enfant chinois et un enfant espagnol n’aborderont pas l’apprentissage du français de la même manière : "Du côté de l’élève, tout est fonction de son contexte linguistique et culturel et de son "éloignement" par rapport au français" explique M.-L. Poletti.

Pour N. Döring et F. Vermeersch, "une particularité de la langue française est la complexité de son codage graphique :

  • à un phonème peuvent correspondre un ou plusieurs graphèmes, par exemple au phonème [ u ] correspond un unique graphème "ou" tandis qu’au phonème [ o ] correspondent plusieurs graphèmes : "o", "au", "eau".
  • à un graphème peuvent correspondre un ou plusieurs phonèmes, par exemple "en" n’est pas le même dans "vent", "examen" et "jouent".

Ce système très complexe et parfois illogique ne permet pas de mettre en place des règles pour l'enseigner. Le seul moyen est la mémorisation globale des mots (à la fois à l'oral et à l'écrit). Pour les enfants qui n'ont pas une certaine expérience de l'écrit (en classe maternelle, en famille...) il conviendra de réaliser un travail de manipulation antérieur sur la langue. Ce travail que l'on peut nommer "premier accès à la conscience phonologique" permettrait à l'enfant d'identifier et de manipuler les unités sonores non significatives de la langue (syllabes, rimes, phonèmes...)". Les auteurs de Caramel recommandent à ce propos la lecture des pages 240 et 241 d’Apprendre à lire en français langue seconde de J.-C. Rafoni (éditions L'Harmattan, 2007).

Diriez-vous que le secteur de l'enseignement du français aux enfants évolue ces dernières années et si oui en quoi ?

Pour C. Marchois, "il a toujours été innovant". Selon H. Denisot et C. Macquart-Martin, "les approches actuelles s’orientent vers le développement des compétences et dépassent l’approche thématique qui a longtemps prévalu dans les méthodes destinées aux jeunes apprenants". Plus précisément, "l’enseignement du français aux enfants a connu sous l’influence des théories socio-constructivistes des évolutions : interactions entre les élèves, respect des différents styles d’apprentissage, pédagogie du projet et valorisation du plurilinguisme…" Mais ces évolutions datent déjà un peu. Ces dernières années, "du point de vue méthodologique, il n’y a pas de révolution" écrit M.-L. Poletti.

Indexation sur le Cadre européen commun de référence pour les langues

N. Döring et F. Vermeersch notent que "depuis quelques années, l'enseignement [aux enfants] s'appuie sur le CECRL. Ce document a été publié en 2001. Il décrit ce que les apprenants d'une langue doivent maîtriser afin de l'utiliser dans le but de communiquer. Il définit également des niveaux de compétence qui permettent de mesurer les progrès à chaque étape de l'apprentissage". On le trouve au format papier et au format numérique (PDF) sur le site des éditions Didier. Le fait que "les méthodes parues depuis s'appuient sur ces textes" a pour conséquence que "l'enseignement des langues vivantes est plus structuré même si les objectifs définis par le Cadre à la fin d'un niveau ne sont pas toujours atteints". M.-L. Poletti note également que l'enseignement aux enfants commence à "intégrer certains éléments" du Cadre.

Evaluation et certifications

"Du côté de l’évaluation par exemple" poursuit-elle, "il avait intégré, en général, le portfolio", un élément également relevé par H. Denisot et C. Macquart-Martin : "aujourd’hui les enfants ont l’occasion de mener une réflexion sur leur apprentissage à travers le portfolio". Il s'agit là d'un "document dans lequel toute personne qui apprend ou a appris une langue - que ce soit à l'école ou en dehors - peut consigner ses connaissances linguistiques et ses expériences culturelles, ce qui peut l'inciter à réfléchir sur son apprentissage. Il contient un passeport de langues que son détenteur met régulièrement à jour. Une grille lui permet de définir ses compétences linguistiques selon des critères reconnus dans tous les pays européens et de compléter ainsi les traditionnels certificats scolaires. Le document fournit aussi une biographie langagière détaillée englobant toutes les expériences faites dans les diverses langues et qui est destinée à orienter l'apprenant dans la planification et l'évaluation de son apprentissage. Un dossier rassemblant des travaux personnels attestant des performances atteintes complète le tout" (source et informations supplémentaires).

L'enseignement aux enfants va en outre "bientôt être amené à intégrer la notion de certification avec le lancement, en 2009, du DELF Prim" annonce M.-L. Poletti. Ceci va donner, selon H. Denisot et C. Macquart-Martin, "une nouvelle dimension à l’enseignement du FLE à ce public".

Le français au sein du plurilinguisme

Le CECR est l'un des outils destinés à la promotion de l'enseignement des langues à l’échelle européenne (et parfois au-delà). Sa prise en compte dans le contexte de l'enseignement aux enfants montre que le secteur "a évolué du point de vue politique : des pays de plus en plus nombreux ont généralisé l’enseignement d’une langue étrangère au primaire. Le principe du plurilinguisme est affirmé, en particulier au niveau européen". M.-L. Poletti note toutefois que "de fait, l’offre des langues se réduit. On constate que, dans certains pays, comme en Grèce, le plurilinguisme passe par l’apprentissage de deux langues vivantes au primaire : l’anglais obligatoire pendant les deux premières années, puis une LV2, qui peut être le français, ensuite".

L’essor de l’enseignement des langues au primaire a toutefois un impact positif sur la formation des maîtres : "Corollaire de cet état de fait, globalement, la formation des enseignants du primaire a progressé. L’enseignement d’une langue vivante étrangère entre dans la formation initiale et la formation continue se développe" commente M.-L. Poletti.

Articulation entre l'enseignement dans les écoles primaires
et les établissements secondaires

L’auteur de Grenadine poursuit : "L’évolution de l’enseignement des langues au secondaire produit des effets en retour sur ce qu’on peut exiger de l’enseignement au primaire. Les formateurs qui interviennent en France par exemple pour l’enseignement des langues vivantes étrangères constatent que l’on demande désormais à l’enseignement au primaire d’afficher une approche "actionnelle" afin d’assurer une continuité avec l’enseignement au secondaire".

Spécialisation des supports de l'enseignement aux enfants

L’offre des éditeurs suit les évolutions du secteur : "Du point de vue des outils, ils semblent se diversifier pour mieux prendre en compte la diversité des situations d’apprentissage du français dans les différents pays.

On voit clairement se dessiner trois groupes de méthodes pour les enfants :

  • avant l’apprentissage de la lecture (Tatou le matou…),
  • immédiatement après l’apprentissage de la lecture (c’est le cas de Grenadine et des méthodes de la même génération),
  • et depuis peu pour la fin du primaire dans les pays où il se termine à 12 ans (Super Max par exemple).

Je parle des méthodes internationales bien entendu. Pour les méthodes locales, elles sont bien évidemment directement articulées à l’âge et aux programmes du pays" explique M.-L. Poletti.

Comme vous le constaterez en parcourant la présentation des méthodes, "il n’en reste pas moins que les outils proposés pour l’enseignement au primaire sont d’une très grande hétérogénéité : des outils de sensibilisation aux méthodes en passant par des ensembles de matériels flexibles accompagnés de fiches pédagogiques" (M.-L. Poletti).

Que recommanderiez-vous à un enseignant qui doit animer une classe d'enseignement du français aux enfants pour la première fois ?

Utiliser une méthode

Les auteurs recommandent en premier lieu… d'utiliser une méthode ! N. Döring et F. Vermeersch expliquent que "L'utilisation d'une méthode facilite la préparation des cours". Elle a en effet pour avantage de mettre en place "un apprentissage progressif de la langue", elle constitue un "fil rouge", assure "une continuité" et propose "des exercices tout à fait adaptés au vocabulaire et aux structures apprises". Pour C. Marchois, les méthodes récentes comme Ludo et ses amis mettent en avant "le parcours d’apprentissage". "Le guide pédagogique guide pas à pas la démarche de l’enseignant" et ce n’est qu’à certains moments que les élèves auront besoin du livre ou du cahier d’activités : "autrement dit, les supports élèves ne reflètent qu’une toute petite partie de la démarche proposée".

La méthode est-elle pour autant la bible de l'enseignant ; doit-il la suivre page à page ? Les auteurs de Caramel ne sont pas de cet avis : "on peut bien sûr adapter une méthode en fonction du public que l'on a devant soi, des objectifs que l'on s'est fixés". Autrement dit, il est tout à fait possible, comme avec un public d'adolescents ou d'adultes, de laisser de côté des passages, d'ajouter des éléments de son cru ou ponctuellement de panacher son enseignement avec des extraits d'autres méthodes. N. Döring et F. Vermeersch mettent cependant en garde les professeurs contre "l'utilisation "morcelée" de supports sans lien entre eux", qui "peut dérouter les enfants".

H. Denisot et C. Macquart-Martin précisent qu'il ne faut pas omettre de "lire le guide pédagogique de la méthode utilisée" ! Ces guides, généralement très détaillés, fourmillent en effet d'indications et de conseils permettant à l'enseignant de tirer le meilleur de la méthode. Les sites des éditeurs proposent souvent aux internautes de découvrir de larges extraits des guides pédagogiques voire de télécharger les guides complets (Hachette).

Être conscient des spécificités de son public

Les enfants n'apprennent pas de la même manière que les adultes, et des enfants de 5 ans n'apprennent pas de la même manière que des enfants de 10 ans. Il est donc tout à fait capital de prendre en compte l'âge de ses jeunes apprenants et, d'après H. Denisot et C. Macquart-Martin, de "se documenter sur le développement cognitif et affectif des enfants". N. Döring et F. Vermeersch expliquent à ce propos que "les élèves apprennent facilement mais oublient aussi facilement. Les élèves ont de plus en plus de difficultés d'attention et d'écoute "mutuelle" : cela a des conséquences dans l'apprentissage d'une langue (difficulté pour l'enseignant de faire passer telle ou telle notion, mais aussi pour certains élèves pour l'assimiler)". En somme, "enseigner à un enfant, ce n’est pas anticiper, en simplifiant, ce qu’on fait avec un adolescent ou un pré-adolescent. Il faut être conscient qu’un enfant aime jouer avec les mots, qu’il est curieux du monde qui l’entoure, qu’il est capable de construire implicitement des règles, mais aussi qu’il a des plages d’attention courtes et qu’il a besoin de stratégies d’apprentissage" explique M.-L. Poletti.

Les difficultés que peuvent rencontrer l'enseignant ne doivent pas le décourager, N. Döring et F. Vermeersch proposent de "prendre un peu de recul par rapport à cette affirmation qui dit que "les jeunes enfants apprennent très facilement une langue étrangère". Cela ne peut pas s'appliquer dans une classe, au sein d'un groupe d'enfants, de façon automatique. En effet, chaque enfant perçoit l'apprentissage d'une langue étrangère à sa manière (réceptivité plus ou moins grande)".

C'est pourquoi il est nécessaire de donner "envie" de la langue-cible à chacun des apprenants. Pour cela, H. Denisot et C. Macquart-Martin conseillent de consulter "des albums jeunesse à succès, des magazines, des livres scolaires en langue maternelle" afin de cerner au mieux "leurs centres d’intérêt".

Bien structurer son enseignement

L'adaptation des cours au public enfantin n'est cependant pas qu'une question de dragons ou de dinosaures ! "L’enseignant doit organiser le parcours d’apprentissage de l’élève (organiser l’enchaînement des activités et organiser les interactions... et garder en mémoire que la progression se fait à petits pas), aider les enfants à construire du sens avec lui et avec les autres enfants" explique M.-L. Poletti. N. Döring et F. Vermeersch rappellent qu'il vaut mieux "s'adapter au rythme des enfants" et "ne pas vouloir, à tout prix, terminer la séquence préparée". Pour cette raison, il peut être utile de "noter à la fin de chaque séquence ce qui a été réellement fait en cours", voire de se constituer un véritable carnet de bord comportant "les événements, les impressions, les difficultés et … les réussites !" (H. Denisot et C. Macquart-Martin).

Chercher à progresser en tant qu’enseignant

Le carnet de bord permet à l'enseignant de ne pas perdre le fil de son cours mais aussi d’y associer des "objectifs SMART". H. Denisot et C. Macquart-Martin les définissent de la manière suivante : des objectifs "Simples Mesurables Accessibles Réalisables dans un Temps limité". Par exemple : "Pendant la prochaine séance, je serai capable d’utiliser des flashcards. À la fin du module, je serai capable de faire créer aux élèves une petite saynète en français".

Faire attention à sa gestion de la classe

Une classe pleine d'enfants a peu à voir avec un groupe d'adolescents et a fortiori un cours d'adultes. Si ces derniers peuvent (en général !) rester assis et concentrés pendant un certain temps, ce n'est pas le cas des plus jeunes. L'organisation de la classe en tant qu'espace, laps de temps et groupe d'individus est dont tout à fait primordiale. H. Denisot et C. Macquart-Martin recommandent à ce propos de "prendre son temps au début de l’apprentissage pour gérer la classe (au niveau logistique, déplacements, organisation spatio-temporelle)", "ce qui veut dire", précise M.-L. Poletti, que "l’enseignant doit gérer le temps (aussi bien les rituels de la classe que les rythmes) mais aussi l’espace (on bouge !)".

L'apprentissage ne peut se passer d'un climat de confiance et de sécurité : "l’enseignant doit créer une atmosphère décontractée et sereine" dit M.-L. Poletti, en accord avec N. Döring et F. Vermeersch : il faut "veiller à une bonne ambiance dans la classe".

Naturellement, tout cela n'est pas qu'affaire de logistique. Il va s'agir surtout de veiller à la fois au groupe et à chacun des enfants, d'encourager les apprenants tout en cadrant les activités, de féliciter les enfants en sachant aussi poser des limites. Les auteurs conseillent ainsi de "veiller à la discipline de la classe, donner des limites simples et précises aux enfants, les féliciter, les encourager - sans récompenses tels que bonbons et autres !" (H. Denisot et C. Macquart-Martin), de "prendre en compte l'importance de l'aspect relationnel : donner le droit à l'erreur à l'enfant ; lui prodiguer des encouragements" (N. Döring et F. Vermeersch) et d'"aider à découvrir, proposer des activités dans lesquelles l’enfant peut réussir, motiver et rassurer et encourager la prise de risque et l’autonomie" (M.-L. Poletti).

Multiplier les situations de communication

Enfin, N. Döring et F. Vermeersch recommandent, en utilisant par exemple le jeu, de mettre en place "une communication apprenant-apprenant" : "cela permet de rompre avec le dialogue apprenant-professeur ou classe-professeur, celui-ci étant directif et limitant les échanges verbaux".

Et enfin…

Le public a beau être jeune, il n'est pas forcément nécessaire de se comporter de manière spéciale : H. Denisot et C. Macquart-Martin invitent à "être le plus naturel possible (dans son attitude et dans l’utilisation du français)". Les cours de langue à l’école maternelle et à l’école primaire se prêtent particulièrement bien aux jeux, aux chansons, aux fêtes : comme le rappelle M.-L. Poletti, il faut "se dire aussi qu’enseigner à des enfants est un plaisir" ! Et "pour l’enseignant, la meilleure récompense est de s’entendre dire "Le cours est déjà fini ? Ça a passé vite !"" (C. Marchois).

Synthèse : Elodie Ressouches - Première publication : 14/04/09 - Mise à jour : 04/05/09

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