Il
s’agit d’une publicité pour la marque Orange, réalisée
pour la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) qui s’est tenue
en janvier 2010 en Angola. Cette vidéo dure une minute et ressemble
à un clip. À la fin de la séquence, on entend une
voix off dire : "Je suis un milliard de personnes, une passion,
un langage commun, le football." Orange, en soutenant le "football
africain", souhaite pouvoir bénéficier de l’image
qu’a ce sport en général dans la société,
et des retombées économiques qui s’ensuivent.
L’objectif de cette séquence, à adapter en fonction
de l’âge et du niveau des élèves, est de montrer
que toute publicité est construction et peut être en cela
démontée pour l’analyse. Au cours du travail que vous
pourrez leur proposer, les élèves seront également
amenés à développer leurs capacités langagières
(décrire un film en utilisant les termes techniques appropriés,
commenter une rencontre sportive, formuler des hypothèses, etc.).
On
peut montrer la vidéo une première fois aux élèves,
sans ne leur rien dire, et recueillir leurs réactions. Le travail
de description peut s’appuyer sur ces premières impressions.
Certains élèves auront sans doute relevé certains
détails que d’autres n’auront pas perçus et
inversement. Au cours de ce travail, on pourra passer plusieurs fois la
vidéo en attirant à chaque fois l’attention des élèves
sur un élément en particulier : les images (couper
le son), la bande son (masquer l’écran), le décor,
un personnage, les mouvements de caméra, etc.
On peut commencer par décrire la scène en se servant de la fonction "arrêt sur image".
Plans | Lieux | Personnages | Actions |
1 (00:01) | Station de bus | Passants | Marchent / Montent dans un bus |
2 (00:03) | Marché | Enfants | Jouent au foot |
3 (00:05) | Pays anglophone ? | Un agent de sécurité | Observe la scène |
4 (00:09) | Confisque le ballon | ||
Un récit possible :
La scène se passe sur un marché, à
proximité d'une station de bus (des passagers montent dans un bus
en stationnement). Des enfants jouent au foot au milieu des passants.
[On entend des rires.] Un agent de sécurité les observe.
Sur l'épaulette de sa chemise, on voit le mot anglais "SECURITY".
L'agent intercepte la balle, la confisque, leur fait signe d'aller jouer
ailleurs (avec un mouvement de main caractéristique :
communication non verbale). Les enfants s'éloignent (le garçon
se prend la tête dans les mains, la fille, au second plan, pose
ses mains sur sa bouche, deux gestes qui expriment stupeur, déception ?).
Le garçon s'arrête, se gratte la tête (autre geste
qu'il faudra interpréter), se penche vers le sol et fait mine de
ramasser un ballon. La partie peut continuer.
Début d'une véritable pantomime. Le "ballon" passe
de joueur en joueur, toutes les techniques de balle sont utilisées :
touche, jongles, passe, tête, amorti de la poitrine, crochet, dribble,
contrôle pied droit, etc. Le jeu se déroule au milieu des
passants qui observent la scène avec bienveillance et un certain
amusement (expressions du visage). Certaines personnes font mine de suivre
le "ballon" des yeux (mouvements de tête de gauche à
droite ou de bas en haut). La caméra suit à plusieurs reprises
la trajectoire de la balle en pivotant rapidement sur elle-même
(panoramique). On a l'impression de suivre la balle des yeux (caméra
subjective).
Retour près du bus. Un homme réajuste ses gants. Deux joueurs
se rentrent dedans. Quelqu’un siffle faute (est-ce que l'on entend
le coup de sifflet ?). Certains joueurs lèvent les bras (pour
protester : "Faute !"). L'homme qui a sifflé sort
un carton rouge. On peut noter au passage qu'il a une cravate. Coup-franc.
Le "gardien de but", l'homme aux gants et au gilet jaune (de
chantier ?), place le "mur" (trois hommes et une femme).
Tir. Plongeon du gardien. But. La foule en liesse. Le buteur est porté
en triomphe. L'agent de sécurité se garde d'intervenir.
L'enfant le regarde (champ / contre-champ). Il semble plutôt content
du tour qu'il vient de lui jouer.
Il n'y a pas une seule façon de raconter cette scène, il n'y a pas non plus une infinité de façons de le faire : le carton est "rouge", il n’est pas "vert". Quand il y a incertitude, on peut très bien laisser les choses en suspens (nous ne sommes pas tenus d'accepter tout ce que nous ne pouvons réfuter). Le plus important est d'attribuer des "valeurs" aux objets du monde qui apparaissent à l'écran, en fonction du contexte.
"Je pourrais faire avec ma main le mouvement qu'il
faudrait faire si je sciais une planche ; mais serions-nous en droit
d'appeler ce mouvement scier, en dehors de tout contexte ?
– (Cela pourrait être quelque chose de tout à
fait différent !)"
(Ludwig Wittgenstein)
Plans |
Que voit-on ? |
À quoi cela vous fait penser ? |
1 (00:13) | Un enfant se gratte la tête | Il réfléchit ? |
2 (00:34) | Des femmes rigolent | Bonne humeur |
3 (00:43) | Un homme ajuste ses gants | Gardien de but * |
4 (00:47) | Un homme brandit un "carton rouge" | Un arbitre * |
5 (00:50) | Un étal couvert (en arrière plan) | Des cages * |
(* Contexte : le match de foot, évidemment)
Pistes pédagogiques :
Donner la liste des gestes techniques : passe, drible, crochet,
tir, etc. Essayer de définir ces termes (qu’est-ce qu’un
"amorti" ?). On peut s’aider d’un dictionnaire.
Les élèves peuvent mimer le geste en classe. Travailler
sur le passage du nom au verbe : une passe > passer
/ un dribble > dribbler. Essayer d’être
de plus en plus précis : une passe > une passe du pied droit
> une passe de l’extérieur du pied droit. Trouver des
synonymes pour "gardien de but" : un goal, un portier, etc.
Commenter le match, à la façon des journalistes sportifs.
Inventer des noms pour les joueurs, mettre le ton (Buuuuuut !).
Gestes techniques |
Définitions |
Dribbler | Courir en poussant le ballon devant soi du pied |
Un amorti | Récupérer le ballon (avec le pied, la poitrine) en amortissant le coup |
Travailler sur la communication non verbale. Repérer les différents gestes. Donner des significations possibles. Un même geste a-t-il tout le temps la même signification (lever les bras, par exemple) et partout ? Comment éviter les malentendus ?
"Lever les mains, brandir des rameaux, des armes
ou des torches, taper des pieds au moment où l'on passe de l'attaque
à la fuite, croiser ou lever les mains en geste de supplique, s'agenouiller,
se prosterner, tout cela, répété ostensiblement,
sert à manifester l'appartenance de l'individu à la communauté,
et la place qu'il y occupe."
(Walter Burkert)
En lisant ces lignes de Walter Burkert, on ne peut pas ne pas penser au sport tel qu'il se pratique aujourd'hui. Voir aussi notre fiche sur cette importante question.
Plans | Gestes | Significations possibles |
1 (00:07) | Mettre ses mains sur sa bouche | Exprimer sa stupeur |
2 (00:10) | Le geste de la main de l'agent | "Éloignez-vous" "Allez jouer ailleurs" "Ne discutez pas" |
3 (00:45) | Lever les bras | Protester, supplier ? |
4 (00:47) | Lever le pouce | "Bonne décision" |
5 (00:53) | Lever les bras | Exprimer sa joie |
On peut également attirer l’attention des élèves sur la façon dont sont fabriqués ces plans, sur les choix du réalisateur. Un photogramme* peut rendre compte comme ici du mouvement de la caméra. L’image est floue. La deuxième image est même illisible, on n’est pas en mesure de décrire ce qu’elle représente, mais on peut parler de l'effet produit. On a l'impression de suivre la balle des yeux (caméra subjective).
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(Panoramique : 0:22) |
(Panoramique : 0:43) |
Ce même mouvement de caméra dans le film Blow-up :
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(Panoramique : 2:14) |
(Panoramique : 2:17) |
Tableau :
Plans | Place et mouvement de la caméra | Effets recherchés |
1 (00:20) | Panoramique | On a l'impression de suivre le "ballon" des yeux |
2 (00:47) | Gros plan sur le carton rouge | On attire l'attention sur ce carton rouge |
3 (00:50) | Derrière le tireur | Le coup-franc : On découpe la séquence : - pour que le specteur ne s'ennuie pas ? - pour multiplier les points de vue ? |
4 (00:50) | Derrière le "mur" | |
5 (00:50) | Devant le "gardien" qui plonge | |
6 (00:51) | Sur le côté | |
7 (00:54) | Champ : l’agent | Montrer que leurs regards se croisent |
8 (00:55) |
Contre-champ : l’enfant |
Pistes pédagogiques :
Travailler
sur le vocabulaire technique dont on a besoin pour parler d’un film
: gros plan, travelling, panoramique, champ, contre-champ, etc. On peut
faire des recherches sur internet pour trouver des exemples.
Travailler sur le montage. Comment filmer un coup-franc ? On peut demander aux élèves de se mettre à la place du réalisateur et de créer leur propre story-board : découper la séquence et dessiner les plans. Gros plan sur le visage du gardien. Panoramique. La scène vue d’hélicoptère… Tout est permis mais l’effet ne sera pas le même selon que l’on choisira de placer la caméra à tel ou tel endroit. Sur internet, on trouve de nombreuses vidéos de match. On peut s’en inspirer. Les matchs sont-ils tous filmés de la même façon ? Où se trouvent les caméras en général ?
Après avoir travaillé sur ces questions, les élèves ne verront plus les matchs de la même façon. Les jeunes élèves ne se seront peut-être jamais posé la question du montage. Pour les sensibiliser à cette notion, on peut leur demander par exemple de remettre les plans d’une séquence dans l’ordre.
Le
message passe aussi par la bande son. On peut le démontrer facilement
en coupant le son tout simplement. L’effet produit est-il le même ?
On peut aussi passer l’image en diffusant une autre musique. Qu’est-ce
que cela change ? On peut, exercice difficile, essayer de dresser
la liste des sons que l’on entend.
Description | À quoi cela vous fait penser ? | |
Musique |
(Pendant toute la durée de la vidéo) Musique orchestrale Percussions Autres instruments de musique ? Une voix de chanteur (paroles ?) |
Musique entraînante Rythme Danse Fête |
Bruits | Bruits d’ambiance difficiles à distinguer Un bruit de moteur (au début) Coup de sifflet Applaudissements |
Un lieu public Un rassemblement Il y a du monde |
Voix | Rires, cris d’enfants Interjection : "oh !" Échange inaudible entre l’agent et les enfants Brouhaha (bruit confus venant de la foule) |
Une foule Il y a de l'animation |
Voix off | (à la fin) Voix d’homme Message en français |
Une publicité |
Pistes pédagogiques :
Travailler
sur la phrase : "Je suis un milliard de personnes, une passion, un
langage commun, le football." On peut la développer : "Le
football est pratiqué par un milliard de personnes. Pour ces personnes,
c'est une passion, un langage commun." L'effet est-il le même
? Il s’agit d’une sorte de devinette. Les mots croisés,
et certains jeux télévisés, fonctionnent de cette
façon. "Je suis …" Qui suis-je ? Réponse :
"le football." Sur le même principe, créer d'autres
"devinettes".
Rendre visible l’invisible, n’est-ce pas l’une des fonctions principales du cinéma ou de la peinture ? Voici un extrait du film Blow-up du réalisateur italien Michelangelo Antonioni, sorti en 1966. Le film se termine sur cette scène muette. Des jeunes gens arrivent. Ils sont déguisés et grimés. Une troupe de théâtre, façon commedia dell'arte ? Ils repèrent un terrain de tennis. La partie, le spectacle, peut commencer.
La force de l’acteur, c’est sa crédulité, aime à répéter Ariane Mnouchkine**. Il n’y a pas de balles sur le terrain, il suffit de faire "comme si".
Le personnage principal du film est photographe, il observe la "scène" en spectateur, jusqu’au moment où les autres personnages (du film dans le film qui se joue devant lui) le sollicitent. Il choisit de ne pas rompre le charme, en faisant mine de renvoyer la balle. Auriez-vous fait de même ?
Mais aller au cinéma, n’est-ce pas justement faire de même ? En écoutant attentivement, on entend le bruit des balles de tennis…
Notes : * Un photogramme est une image du film à un instant t. On peut en créer en utilisant la fonction "arrêt sur image", puis en faisant une copie d'écran. ** Ariane Mnouchkine a fondé le Théâtre du Soleil en 1964. Son nouveau spectacle s'intitule Les Naufragés du Fol Espoir.
Références bibliographiques : Introduction à l’analyse de l’image, Martine Joly, Nathan Université, France, 2001. Cet ouvrage de synthèse a été réédité en 2009. De la certitude. Ludwig Wittgenstein, Gallimard, 2006 (pour la traduction française). Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l'invisible, Gallimard, 1964 (sur la "foi perceptive" notamment). Walter Burkert, Homo Necans, Les Belles Lettres, 2005.
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