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Définition - Origine - Public - Choix du thème de la simulation - Canevas type d'une simulation - Rôle de l'enseignant - Intérêt pédagogique - Quoi de neuf ? - Comptes rendus d'expérience
La simulation globale est un support méthodologique d'apprentissage d'une langue étrangère qui consiste à proposer à un groupe d'élèves un projet de création collective :
"Une simulation globale est un protocole ou un scénario cadre qui permet à un groupe d’apprenants pouvant aller jusqu’à une classe entière d’une trentaine d’élèves, de créer un univers de référence – un immeuble, un village, une île, un cirque, un hôtel – de l’animer de personnages en interaction et d’y simuler toutes les fonctions du langage que ce cadre, qui est à la fois un lieu-thème et un univers du discours, est susceptible de requérir. […] Décrire le monde, raconter la vie et vivre la comédie des relations humaines, tel est le pari pédagogique des simulations. C’est l’ampleur de cette ambition qui explique le terme de "global"." Francis Debyser, L'immeuble, Hachette FLE/CIEP, 1996, préface
La réalisation d'un projet de simulation globale met en jeu acquisitions linguistiques, utilisation de documents authentiques, imagination, jeux de rôles, pratiques de communication orales et écrites, rédaction et création littéraire.
Les premières simulations globales, L'immeuble, Îles et Le village ont été expérimentées au sein du BELC (Bureau pour l'enseignement de la langue et de la civilisation françaises à l'étranger) où elles étaient présentées comme une alternative aux manuels de l'époque. La naissance de cette technique va se nourrir de quelques idées de base : l'abandon du manuel FLE, l'utilisation des techniques de créativité et le recours au jeu, la centration sur l'apprenant, l'importance des aspects communicatifs en classe de langue. Francis Debyser, Jean-Marc Carré et Francis Yaiche, didacticiens du FLE à l'initiative de cette technique, ont multiplié les expériences et les écrits, puis publié (ou inspiré) un ensemble d'ouvrages pédagogiques permettant de monter des simulations variées. Ces titres (L'immeuble, L'entreprise, L'hôtel, La conférence internationale) sont rassemblés dans la collection "Simulations globales" chez Hachette FLE.
Conçues à l'origine pour l'enseignement du FLE, les simulations globales ont été rapidement adoptées par les enseignants en FLS, FLM et FOS. Cette technique peut être utilisée dès le niveau débutant jusqu'au niveau le plus avancé avec des apprenants de tous âges.
On distingue deux types de simulations : les simulations généralistes et les simulations fonctionnelles. Les premières (l'immeuble, l'île, le village…) visent un perfectionnement général, tandis que les secondes (la conférence internationale, l'entreprise, l'hôtel, l'hôpital…) s'adressent à des étudiants ou des adultes à objectifs professionnels.
Quel que soit le lieu thème, deux options existent : celle d'une simulation réaliste – le lieu imaginé se trouve en France (comme dans Le café bordelais) ou dans le pays des élèves – ou celle d'une simulation fiction – le lieu se trouve dans un ailleurs créé de toutes pièces (à l'image du Voyage sidéral). Un décalage temporel est également possible : on peut choisir un village d'autrefois (à titre d'exemple, consultez le compte rendu de la simulation J'ai vécu dans un village Lorrain du Moyen-Âge) ou se projeter dans l'avenir. De nombreux enseignants préfèrent choisir un lieu en France car cette option leur permet de travailler non seulement la langue mais aussi la civilisation française. Les professeurs enseignant à un public d'enfants nouvellement arrivés en France choisissent ainsi souvent le thème d'un village français (voir par exemple Le village Cap Frambate, mis en place dans une classe d'accueil à Paris), qui représente une réalité géographique et humaine, se rattache à une histoire et obéit à des règles de fonctionnement sociales et politiques qui constituent pour les élèves des apprentissages indispensables, aussi bien dans le cadre scolaire que pour leur insertion citoyenne et professionnelle en France.
Voici les grandes étapes du déroulement d'une simulation globale, telles que les définit Francis Yaiche :
Construire un "lieu-thème" consiste à entraîner les élèves sur un lieu qui fonctionne comme un milieu et comme un thème : une île, un immeuble, un village, etc. Les univers peuvent être "fixes" : île, village, immeuble, quartier d'une ville, planète, camping ou "itinérants" : cirque, croisière, voyage scolaire, tournée d'un groupe musical, etc. Cette étape initiale permet d'introduire une première pratique discursive : la description. Pour décrire, les apprenants vont devoir identifier, nommer les éléments constitutifs du monde, les localiser, les quantifier et enfin les qualifier.
Construire des identités fictives, c'est amener les élèves à se glisser dans la peau d'un personnage qu'ils vont incarner, et auquel ils vont donner une âme. Les apprenants doivent faire vivre cette identité en la rendant crédible. L'identification des personnages se fait en trois temps : l'identification administrative (âge, nationalité, profession…), l'identification biographique (le passé des personnages) et le portrait (traits de caractère, physique, etc.), permettant d'introduire une deuxième grande opération discursive : le récit, ici, le récit de vie.
C'est par des interactions que chaque apprenant va participer à la vie du cadre imaginé. Ils vont être amenés à donner une épaisseur historique, géographique et sociologique au lieu-thème et à imaginer les relations entre les personnages ainsi que leur rôle dans le décor. Cette étape est l'occasion de la mise en place de jeux de rôles.
Les apprenants vont ensuite devoir faire vivre les personnages en suscitant des événements et des incidents : un crime, une histoire d'amour, un incendie…
L'île |
Le village |
Situation de départ
Les apprenants sont rescapés
d'un naufrage sur une île. |
Les apprenants créent un village. |
Établir le lieu et le milieu
Établissement de la carte de
l'île. Rédaction de fiches botaniques et zoologiques. Informations sur le relief, la forme de la côte, le climat. Baptême de l'île et des différents sites (mots-valises, etc.). |
Invention de l'espace, délimitation
du cadre physique de l'environnement. Établissement du dessin du village, de son implantation, de sa topographie, de sa géographie, de ses ressources naturelles (argumentation orale). Hypothèses sur le climat. Recherche d'un nom pour le village. |
Établir les identités fictives
Le réveil des rescapés
du naufrage : découverte de leur situation, premières
sensations et impressions (rédaction d'un journal intime). Connaissance réciproque des naufragés : chacun se présente en donnant une identité fictive (nom, nationalité, profession, âge, etc.) (présentation croisée, récit de vie). |
Constitution des identités
fictives par : - l'écriture d'une fiche d'état civil administrative (nom, prénom, date et lieu de naissance, nationalité, situation de famille, adresse) ; - l'écriture d'une fiche établissant les grands traits de la personne (particularités physiques, morales, psychologiques, intellectuelles). |
Donner épaisseur et vie au milieu par des interactions
Inventaire des projets individuels
et élaboration d'un projet collectif. Discussion sur les décisions prioritaires à prendre et les moyens de les mettre en œuvre (signalisation de sa présence, fabrication d'outils, recherche de nourriture, édification d'un habitat…). Établissement d'une charte, d'un code pénal. Élection ou désignation d'un responsable de l'île. Invention de jeux, sports, loisirs, usages dont on fixe les règles. Écriture de textes fondateurs (hymne, chants guerriers, pacifiques, etc.). |
Établissement d'une liste de
métiers indispensables dans le village. Réflexion et argumentation sur l'emplacement des sites importants pour la vie du village (poste, école, épicerie, etc.). |
Faire intervenir des événements et des incidents
Écriture d'un roman d'amour entre deux
protagonistes. Production de textes ou de jeux de rôles concernant des incidents ou événements survenus au travail ou dans la vie quotidienne (semailles, moisson, anniversaires de l'arrivée sur l'île, rites, fêtes, catastrophe naturelle, vol, crime, arrivée d'un navire, conflit, découverte d'un objet magique ou providentiel…). La fin de la simulation peut être traitée comme un événement (un bateau accoste) ou comme un incident (catastrophe, éruption, etc.). |
Le décès du maire donne lieu à
la constitution de partis politiques et à l'organisation
d'élections législatives : - présentation des candidatures, - rédaction des professions de foi, - préparation des affiches, - débats. La simulation se clôture par la présentation des programmes électoraux et par les élections législatives. |
Sources : Une technique d'animation en français langue seconde : la simulation globale, Sylvain Pech, CASNAV de Créteil ; Rencontre des formateurs SVE Mâcon 2005, Institut national de la Jeunesse et de l’Éducation populaire.
Selon Francis Debyser, l'enseignant a un rôle multiple dans le cadre des simulations globales :
Monter avec sa classe un projet de simulation globale présente de multiples intérêts.
La simulation globale permet de convoquer et de fédérer de manière naturelle et complémentaire toutes les activités (réflexion, débat, créativité, expressions écrite et orale) traditionnellement réalisées dans la classe de façon atomisée. Cette technique présente en outre l'avantage d'offrir un caractère extrêmement architecturé à la progression du cours.
La construction commune d'un univers où chaque personnage joue un rôle décisif pour le déroulement de l'histoire favorise la dynamique de classe et la coopération entre les élèves. Confrontés au travail en groupe et à la prise de décision, les élèves développent non seulement des savoir-faire mais aussi des savoir-être.
À travers la simulation globale et la dimension d'invention qu'elle implique, les apprenants redécouvrent la dimension ludique qui stimule l'apprentissage de la langue.
En s'exprimant sous le couvert d'un personnage fictif, la parole de l'élève est libérée dans la mesure où ses erreurs ne lui incombent plus en tant qu'individu apprenant. En outre, en plongeant les apprenants dans un contexte fictif, les distinctions des rôles à l'intérieur de la classe et les filtres affectifs qui peuvent parfois constituer un obstacle à l'apprentissage d'une langue étrangère s'estompent.
La construction d'un contexte de simulation permet de rassembler sous un même chapeau plusieurs disciplines habituellement disjointes.
Ainsi, la simulation globale L’île du Quisineuf (histoire d’une île où se rencontrent les naufragés d’un bateau), réalisée par des collégiens de Marseille, a permis de mener un travail avec d'autres disciplines que le français : les mathématiques (calculer son âge par rapport à sa date de naissance et écrire les chiffres en lettres), l’histoire-géographie (établir la carte de l’île et la découverte d’une civilisation ancienne), les sciences de la vie et de la terre (vocabulaire de la faune et de la flore), les arts plastiques (illustrations du dossier) ; la technologie (l’utilisation de l’informatique)… La simulation J'ai vécu dans un village lorrain au Moyen-Âge, réalisée par des collégiens de l'académie de Nancy-Metz, a également été menée en liaison avec plusieurs disciplines. En français, la simulation a permis l'utilisation de différents outils linguistiques (échanger, débattre, informer, convaincre, argumenter, raconter…) et de différentes fonctions de la langue orale, l'utilisation de la langue écrite (textes narratifs, comptes rendus, formulaires, écrits poétiques, descriptifs, lettres, fiches d'identité, schémas, cartes, fiches documentaires, etc.) et de la lecture (lecture de recherche, de communication, lecture linéaire, lecture sélective…). En histoire-géographie, elle a permis d'aborder l'étude du paysage naturel (recherche de documents et sélection, mise en fiches), l'aménagement du territoire (répartition du relief, de la végétation, des cours d’eau…), les activités économiques possibles et la gestion des personnes, l'étude de plans et de cartes. En technologie, l’accent a été porté sur les différentes parties d’un château fort avec la création d’une maquette de château fort, la création de plans, l'utilisation d’outils, d’instruments de mesure et de traçage, etc.
Dans les simulations globales, les situations de communication orale et écrite se développent dans un contexte qui nécessite de tels échanges et qui, par conséquent, donne du sens aux activités linguistiques. Le fait que les activités aient un sens, soient cohérentes et visent la réalisation d'un projet commun contribue fortement à l'engagement des apprenants.
Selon Florence Mourlhon-Dallies, enseignante à l'université de la Sorbonne nouvelle à Paris, certains infléchissements ont été apportés ces dernières années à la méthodologie classique des simulations globales. Ces modifications concernent notamment la gestion du temps, le lieu-cadre et l'intégration des nouvelles technologies.
En FLE, mais aussi en FOS, la tendance est au raccourcissement de la durée de la simulation globale. La contrainte du respect des programmes et des objectifs d'apprentissage, le manque d'argent pour la formation continue peuvent expliquer cet allègement.
Dans son ouvrage Simulations globales, mode d'emploi, Francis Yaiche propose par exemple un canevas type pensé sur 40 heures :
Établir (10h)
- établir le lieu et le milieu (5h)
- établir les identités fictives (5h)
Donner épaisseur (20h)
- des traces écrites (10h)
- des interactions (10h)
Faire intervenir (10h)
- des événements (5h)
- des incidents (5h)
Par rapport aux simulations conduites au BELC dont la durée estimée variait de 50 et 150 heures, ce canevas minore les étapes de lancement de la simulation (mais aussi, par là même, la dimension d'invention) au profit des productions orales et écrites. En entreprise, une simulation prend souvent une forme encore plus réduite (une journée) : on organise des simulations de petits déjeuners d'affaires, de réunions ou de repas d'affaires, qui sont renouvelées plusieurs fois dans l'année.
Pour gagner du temps dans l'installation du décor et des identités, les enseignants sont de plus en plus nombreux à proposer aux apprenants un scénario de cadrage qui précise le lieu de l'action, le profil des identités principales et la nature de la scène finale. Ce scénario se centre plus sur un événement (le congrès médical, les élections municipales, l'émission télévisée) que sur le lieu, ce qui permet de placer immédiatement la simulation dans une dynamique et de coller au plus près des objectifs d'apprentissage.
L'intégration des nouvelles technologies (et plus particulièrement d'Internet) dans les projets de simulations globales a permis non seulement de faciliter certaines tâches classiques de la simulation (la recherche documentaire, l'utilisation de documents authentiques) et de mettre en valeur les projets (par leur publication sur support électronique), mais elle a surtout permis la naissance de projets coopératifs – entre classes de différents pays ou entre apprenants géographiquement isolés dans le cadre de formations à distance – grâce à l'utilisation de la messagerie électronique, des forums de discussion ou encore des nouveaux outils de publication en ligne (blogs, wikis).
On trouve sur Internet beaucoup de pages d'enseignants présentant des projets de simulations globales. Déroulement de la simulation, détail des séances, objectifs visés, exemples de productions des élèves, difficultés rencontrées : ces comptes rendus seront d'une grande utilité pour les enseignants qui souhaitent se lancer dans cette expérience.
— Du
français langue étrangère au français langue
maternelle et langue seconde : actualité des simulations globales
Florence Mourlhon-Dallies, université de la Sorbonne nouvelle,
Paris 3, SYLED-CEDISCOR, 2004.
— Les
simulations globales
Académie de Nouméa, Nouvelle Calédonie.
[Présentation inspirée de l'ouvrage Les simulations
globales, mode d'emploi, F.Yaiche, Hachette collection "Français
langue étrangère"]
— Process
drama in the core French classroom : unsing global simulation
Joseph Dicks, Barbara Le Blanc.
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l'Organisation internationale
de la Francophonie