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Dossier Enseignement précoceParents et professeurs à la fois :
quelle place pour le français ?

Les professeurs de français enseignent-ils le français à leurs enfants ? Et si oui, comment ? Découvrez ici les réponses de professeurs d’horizons très variés : Argentine, Canada (Québec), Espagne, États-Unis, Hollande, Hongrie, Japon, Mexique, Portugal, Russie, Ukraine et Viet-Nam.

Vos enfants apprennent-ils le français dans un établissement scolaire / une école de langue ?

Les enfants de nos témoins ne fréquentent pas tous des cours de français, loin de là. Certains sont encore trop jeunes, d’autres n’ont pas eu le choix étant donné, par exemple, "qu'au lycée il ne devait avoir qu'une seule langue, il a eu anglais".

Quand elle était petite, nous parlions français à la maison et elle allait à l'école américaine.

Certains parents font le choix d’une éducation bi ou plurilingue : le français étant déjà présent à la maison, d’autres langues sont étudiées à l’école. "Ma fille n’a jamais appris le français dans un établissement scolaire avant l’âge de 18 ans" ; à cet âge "une collègue bien choisie lui a donné une dizaine de cours pour systématiser la grammaire en vue de l’expression écrite que l’on a toujours négligée auparavant". Suite à cela, cette jeune fille "a suivi des cours de français de spécialité pendant son enseignement supérieur. Elle en garde, à l’exception d’un semestre avec une excellente prof, de très mauvais souvenirs".

Leonor a une séance de sensibilisation à la langue française, en maternelle.

Parfois les enfants sont sensibilisés très jeunes à l’apprentissage du français par une personne extérieure à la famille : "mon premier enfant commence à apprendre le français, il est accompagné dans son apprentissage par une étudiante française venue faire ses études en Espagne."

Ils vont à l'école française où tout est enseigné en français.

Lorsque les conditions le permettent (option du français disponible, école spécialisée…), des familles font le choix des cours de français (parfois dans un centre de langues privé) voire d’une scolarité en français.

Certains enfants devenus grands suivent des études supérieures de ou en français : "Poline a fait le Master 1 à Grenoble il y a trois ans. Inna, ma fille cadette, fait ses études à la troisième année de l'Académie des Beaux-Arts, c’est une future styliste. Cet été elle a l'intention de suivre les cours de dessin à Esmod de Paris au mois de juillet."

Parlez-vous français à vos enfants ?

D’après les réponses que nous avons obtenues, il y a autant de situations que de familles !

Même avant sa naissance... la plupart des berceuses qu'elle entendait étaient en français.

Certains parents-profs intègrent le français à la vie familiale dès les premiers jours de l’enfant : "c'est dès qu'il est né que j'ai commencé à lui parler en français, même avant sa naissance je jouais de la musique en français sur le ventre de mon épouse."

Ces parents poursuivent sur leur lancée par la suite : "dans les conversations quotidiennes à partir de 4 ans (des salutations, des chiffres, des mots simples)". Ainsi le français devient une langue quotidienne dont les enfants deviennent eux-mêmes demandeurs : "parfois les enfants le demandent parfois je le propose…", "moi-même je leur parle régulièrement français, en leur apprenant surtout du vocabulaire de la vie de tous les jours. Je parle français presque tous les jours, et mon aîné me demande souvent comment se dit un certain mot en français".

L’attitude des parents se modifie parfois avec le temps : ainsi cette mère a parlé français "avec [sa] première fille à partir de 3 ou 4 ans" tandis qu’"avec [son] bébé, dès sa naissance, il y a deux mois".

Non, ils ont moins de 6 ans.

Lorsque les enfants sont encore très jeunes, certains font le choix de ne parler peu ou pas le français afin que cela n’interfère pas avec l’apprentissage de la langue maternelle : "je lui parle très peu en français parce qu’il apprend à parler vietnamien et qu’il ne parle pas encore bien sa langue maternelle."

D’autres attendent l’entrée "officielle" du français dans la vie de l’enfant pour importer cette langue dans le foyer : "on a commencé à 3 ans, quand ils sont rentrés à l'école française."

C’est très variable selon les situations et l’humeur du jour.

Les proportions varient également beaucoup selon les familles. Pour les uns c’est une pratique plutôt rare : "pendant les vacances et par-ci par-là de petites phrases, questions-réponses pour le plaisir ou pour les devoirs", "de façon ponctuelle des expressions comme saluer, remercier, des chansons, de faux amis, etc."

Pour d’autres la proportion est plus élevée : "peut-être 30 % par rapport à notre langue maternelle", "en moyenne cela doit être 30 % en français, 65 % en espagnol, 5 % en anglais", "30 % français, 70 % espagnol ?"

Bien souvent le français est pratiqué dans des circonstances particulières : "dans les grands magasins pour leur dire des choses que les autres ne comprennent pas", "quand je suis seul avec lui", "comme son père est français et qu’il ne parle pas ma langue, je parle français à ma fille pour qu'il comprenne la conversation entre nous", "elle parlait avec ses cousines du Québec au téléphone" ou encore :

"- L'histoire du soir est toujours racontée (lue) en français,
- quand il y a des amis francophones (mexicains ou français) à la maison,
- Avec mon beau-frère (il est québécois),
- Mon enfant me parle en français quand elle veut que les gens autour de nous ne sachent pas ce qu'elle me dit,
- Parfois on joue en français,
- Après avoir regardé un DVD en français, nous continuons de parler en français le reste de la soirée".

Pourquoi tu ne nous as pas parlé tout le temps en français ?!!!!

Avec le temps, certains parents se demandent cependant s’ils n’auraient pas dû utiliser davantage le français lorsque leurs enfants étaient plus jeunes : "je regrette de ne pas leur avoir toujours parlé français depuis qu'elles sont bébés." Ce sont même parfois les enfants qui se manifestent : "maintenant elles habitent seules et vont à la fac et me reprochent de ne pas leur avoir parlé davantage français !"

Pourquoi leur transmettre le français ?

Famille, culture, symbole, carrière… les motivations qui conduisent les parents-profs à transmettre le français à leurs enfants ne manquent pas.

Dans certains foyers, il s’agit avant tout d’une affaire familiale : "c'est aussi une langue maternelle pour moi", "celle aussi de la communication avec la famille qui habite en France, les amis", "il a "un tas" de cousins français et ses tantes sont françaises", "c'est la langue de la famille de mon père", "je viens d’une famille française (paternelle et maternelle) de 2e et 3e générations" ou encore "son père est français".

Parce que c'est une langue que j'aime.

La transmission de la langue n’est pas qu’une affaire de sang : des parents-profs ont adopté le français avec passion et l’offrent à leur enfant comme une deuxième langue maternelle. Ils évoquent ainsi le "plaisir de l'entendre parler français" : "je peux dire que mes filles ont été inspirées à étudier le français par leur maman qui n'imagine pas sa vie sans cette langue", "c’est la plus grande valeur que j’avais à lui transmettre le plus naturellement".

Cet attachement tient parfois à la culture et à l’histoire du pays : "cela vient du passé quand le français était présent dans les familles russes, comme langue de la culture, des bonnes manières, de la cérémonie dans différentes situations", "c'est la langue qui est devenue pour moi la langue de la liberté et de la culture lors de notre période noire en Argentine", "en Louisiane on travaille fort pour garder le français actif / vivant !".

Une langue, c'est une autre façon de comprendre et vivre le monde.

Les témoins de notre enquête associent souvent le français aux cultures qu’il véhicule : "dans un contexte où l'anglais (et l'american way of life) s'impose comme langue homogénéisante, le contact avec le français (et cette autre façon de vivre le monde) peut permettre à ma fille de comprendre que le monde est beaucoup plus riche que la culture Disney-Mac Donald" explique une maman vivant à proximité des Etats-Unis. "En plus" ajoute une autre, "c'est une très belle langue et le français est en train de reprendre sa place privilégiée qu'elle avait avant la seconde guerre mondiale, dont la littérature compte une grande quantité de grandes œuvres magnifiques".

Il faut vivre dans un monde international.

Il ne s’agit pas pour autant de privilégier une culture au détriment des autres : le but des parents-profs est de permettre à leurs enfants "d’accéder à de nouveaux horizons culturels" et de "leur offrir une langue additionnelle" : "cela fera d’elles des jeunes filles multilingues et multiculturelles".

La transmission du français s’inscrit donc naturellement dans une démarche de plurilinguisme : "j'ai décidé de leur apprendre le français dès leur naissance, pour leur permettre d'avoir un bon niveau en langues étrangères le plus tôt possible."

Je veux qu'il ait un accès plus facile aux connaissances.

Les motivations des parents concernent aussi bien entendu l’avenir de leur enfant : "c'est aussi une langue qui pourra leur être utile pour leur insertion / succès professionnel" "parce que le français reste une langue qui permet de faire la différence dans l’univers des études supérieures et sur le marché du travail [et] qu’elle leur permettra d’accéder à certaines offres de travail plus pointues sur un marché de plus en plus concurrentiel".

Je ne voudrais pas les couper de mon univers.

Enfin le français revêt parfois des aspects fonctionnels et sert à l’enfant en-dehors de la cellule familiale : "je parle moi-même davantage français qu’espagnol et je ne voudrais pas les couper de mon univers", "nous allons habiter en France dans quelques années", "elle parlait avec ses cousines du Québec au téléphone", "on est en relation avec une famille française depuis 30 ans déjà, qui habite à Triel-sur-Seine".

Les mettez-vous en contact avec des documents francophones ?

Le français est très présent dans les foyers des parents-profs. Tous ou presque affirment exposer leurs enfants à la langue au moyen de documents francophones attractifs et authentiques tels que les chansons, les histoires, les comptines, les dessins animés, les livres, les BD ou encore les magazines.

Les documents favoris des parents-profs sont les livres, cités dans quasiment tous les témoignages. Dès le plus jeune âge, les enseignants racontent des histoires en français à leurs enfants. Une fois devenus plus grands, ces derniers lisent de manière autonome des bandes-dessinées (très citées) ainsi que des romans : "je lui lisais des petits livres en français avant d'aller dormir", "on écoute des histoires dans la voiture tous les jours". Quelques parents ont abonné leurs enfants à des magazines : "elles sont abonnées à Toboclic, de chez Milan, ainsi qu’à J’apprends à lire et Champions du CP, du même éditeur. D’autres années, elles ont été abonnées à la sélection d’albums à l’École des loisirs".

    

La musique est l’autre support de prédilection de nos témoins, qui diffusent des chansons francophones à la maison ou dans la voiture ainsi que des comptines lorsque les enfants sont encore jeunes - voire des berceuses ("mais c'étaient des chansons de Françoise Hardy" confie une maman).

On sait combien la télévision est attractive pour les jeunes : beaucoup de parents se procurent des dessins animés (Tchoupi, Oui-oui, Franklin la Tortue et Petit Ours Brun) "sur Youtube et les site internet éducatifs". Pour les plus grands, nos témoins sélectionnent également des films, des documentaires ou encore des reportages francophones pour habituer l’oreille de leurs enfants à la langue.

    

Autre écran attractif : l’ordinateur. Des parents équipés en informatique disent mettre à la disposition de leurs enfants des jeux vidéo, des cédéroms ainsi que des sites Internet en français.

Une maman cite également les jeux de société, un excellent support pour pratiquer la langue avec plaisir.

Finissons en citant ce programme d’une maman enseignante qui associe les âges et les supports : "Pendant les deux premières années : chansons et comptines. Ensuite des livres + des cassettes. A partir de 4 ans des dessins animés en vidéo. Adolescence : littérature".

Utilisez-vous des ouvrages pédagogiques avec eux ?

La plupart des pères et mères professeurs interrogés n’emploient pas avec leurs enfants de supports pédagogiques destinés à l’enseignement du français, "à l’exception" précise une enseignante "de mes propres outils pédagogiques dont [sa fille] a été la première lectrice (et critique)".

Quelques parents disent toutefois utiliser ponctuellement des méthodes publiées par les éditeurs français de FLE Didier, Hachette et CLE International (par exemple Panorama et Forum) ou bien le manuel employé au collège, mais cette approche scolaire ne convient guère selon eux au contexte familial.

Les parents de jeunes enfants recourent parfois aux méthodes "parascolaires", par exemple le cédérom préscolaire Lapin Malin (Mindscape), le magazine d’entraînement français Champions du CP de Milan Presse, le magazine d’éveil Papoum de Fleurus Presse, les livres d’activité Torpille de l’éditeur québécois Boomerang, des ouvrages graphiques tels que les livres de mots ou L’imagerie de la lecture des éditions Fleurus (niveau 1 et niveau 2) ou encore… des "livres de révision des cours" pendant les vacances !

    

Faites-vous des cours de français formels ou bien est-ce une transmission plutôt informelle ?

D’après les témoignages que nous avons recueillis, rares sont les enseignants qui conservent leur rôle de pédagogues professionnels une fois sortis de l’école. Lorsque le français est parlé à la maison, il est transmis dans la plupart des familles de manière informelle – en particulier si l’enfant apprend la langue dans le cadre scolaire en parallèle.

Il arrive parfois que le parent enseignant ait dans sa classe son enfant : c’est le cas d’une maman professeur dans le secondaire qui intervient dans la maternelle de sa fille lors de la "séance de sensibilisation à la langue française" hebdomadaire, où le travail est "semi formel" : "on travaille surtout avec des chansons et beaucoup de mimique.

C’est aussi le cas de cette maman enseignante universitaire qui donne des cours dans une école privée de la ville où ses filles ont suivi des cours (un an pour l’une et six mois pour l’autre).

S'ils apprennent aussi le français à l'école, comment envisagez-vous votre rôle par rapport à l'école ?

En général, les parents-profs dont l’enfant apprend le français dans le cadre scolaire se donnent pour mission de lui faire pratiquer la langue de manière informelle. Aussi naturel que cela paraisse, ce choix répond dans certains cas à des motivations identifiées par le parent-prof : "dès que [mon enfant] sera à l'école, je devrais réfléchir sur la place que l'on donne au français à l'école pour pouvoir décider mon rôle."

Ainsi, cette pratique peut correspondre au désir de compléter l’enseignement scolaire. Ce père d’un jeune enfant encore non scolarisé précise : "Je lui ferai pratiquer en parlant français avec lui car je constate que beaucoup d’élèves dans mon pays parlent peu et pas bien la langue étrangère qu’ils apprennent à l’école".

Plusieurs enseignants envisagent leur rôle sur le mode de l’accompagnement : "j’ai exercé le rôle de guide dans le processus d’apprentissage des langues apprises à l’école : l’allemand, le latin et l’anglais" indique l’une, tandis que l’autre explique : "je vois plutôt cela comme un accompagnement : nous enrichissons la perspective par des approches autres que celles offertes à l’école, nous aidons les filles à faire leurs devoirs, nous suivons les progrès, nous jouons en français en reprenant certains thèmes scolaires, mais nous n’avons pas de stratégie très organisée car l’école fait très bien son travail".

Des enfants de profs devenus adultes…

- De mère québécoise et de père américain : "Durant quatre années à Montréal elle a fréquenté l'école unilingue française. Elle était en contact tous les jours avec des francophones. A notre retour en Louisiane, elle est allée à l'école d'immersion française (4 heures par jour) durant deux années puis elle a choisi d'étudier l'espagnol comme langue seconde étrangère.

Je l'ai encouragée à étudier l'espagnol puisqu'elle était plus avancée en français que les autres au niveau High School. Et une troisième langue est un atout de plus !

Aujourd'hui elle a 23 ans, elle terminera son université en mai comme professeur de français, elle parle français avec son copain cajun, elle chante dans un groupe de musique cajun Feu Follet et elle est très fière de son héritage francophone !"

- D’une famille ukrainienne : "Mes deux filles m'ont chaque fois accompagnée aux différentes activités organisées par le Centre français de Kharkov. Elles ont maintenant grandi et choisissent elles-mêmes leurs préoccupations, mais s'il y a une soirée de cours-métrages français, elles préfèrent cette dernière aux autres activités. Mes filles ont terminé une école spécialisée en français avant d'entrer à la faculté. Poline a fait le Master 1 à Grenoble il y a trois ans et elle vit à présent aux Etats-Unis. Inna, ma fille cadette, fait sa troisième année d’études à l'Académie des Beaux-Arts, c’est une future styliste. Cet été elle a l'intention de suivre les cours de dessin à Esmod de Paris au mois de juillet."

Nous remercions les professeurs qui ont bien voulu répondre à nos questions :

Céline Adriencense (Espagne), Celine Zagury (Mexique), César Paz (Mexique), ÐANG THI THANH THÚY (Viet Nam), Elsa Carranza Mercado (Mexique), France Trepanier (Québec - Etats-Unis), Guusje Taalwijzer (Pays-Bas), Haydée Silva (Mexique), Lídia Maria Neves Marques (Portugal), Maria Amaral (Portugal), Maria Cabanne (Argentine), Monique Jacques (Mexique - France), Olga Odgers (Mexique), Takako Onodera (Japon), Tatiana Milko (Ukraine), Thu Giang Do (Viet Nam), Vadim Bystritski (Russie – Etats-Unis) et Zsuzsanna Darabos (Hongrie).

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