ressources


Accueil > Sommaire des dossiers > Décembre 2009

L'éducation à l'environnement vue …

du Burkina Faso
de Haïti
de Belgique
du Canada
de Suisse
de France

Synthèse

Burkina Faso








Evariste Magloire Yogo est inspecteur de l'enseignement du premier degré et chargé de la formation des maîtres au Burkina Faso. Sous la direction de Philippe Meirieu, il suit en 2008-2009 un Master 2 à l'Institut des sciences et pratiques d'éducation et de formation à l'université Lumière Lyon 2.

Dans cet entretien audio, il s'exprime en tant qu'étudiant et répond aux questions suivantes :

  • Parle-t-on de développement durable au Burkina Faso ?
    (pour en savoir plus sur la décennie, cliquez ici).
  • Quelles sont les priorités en matière de défense de l'environnement ?
  • Est-ce que des acteurs de la société civile prennent part à la défense de l'environnement ?
  • Est-ce que l'environnement est un thème abordé à l'école ?
  • Quelles actions mène-t-on à l'école en matière d'éducation à l'environnement ?
  • Quels seraient les promoteurs les plus adéquats de l'éducation à l'environnement ?
  • Le Burkina Faso travaille-t-il en relation avec d'autres pays africains en matière d'éducation à l'environnement et au développement durable ?

Haïti

Site internet : http://www.gafe-haiti.org/

 





 

Le Groupe d’action francophone pour l’environnement (GAFE) a été fondé par des Haïtiens, des Canadiens et des Français. Il œuvre en matière d'éducation, de santé, d'environnement et de tourisme. Convaincu que "le développement se réalise AVEC et pas seulement POUR", il a pour objectif d’encourager la gouvernance locale afin que les communautés se prennent en charge dans le cadre d’un développement communautaire durable.

Que recouvre l'expression "éducation à l'environnement" en Haïti ?

Qu’elle soit éducation à l’environnement, éducation relative à l’environnement, éducation à l’environnement vers un développement durable, elle reste en Haïti, selon le GAFE une forme novatrice d’éducation qui lie l’apprentissage théorique à la pratique d’une part et qui prône le respect, de l’environnement, des cycles géochimiques naturels et de l’homme. L’idée pour le GAFE est de rappeler à quel point l’homme est lié à l’environnement par une relation intime et qu’en modifiant son environnement, l’homme agit aussi sur son devenir malheureusement plus souvent en le compromettant qu’en l’améliorant.

L’éducation à l’environnement en Haïti et toujours selon le GAFE vise à créer une nouvelle société avec des individus responsables, capables de discernement et d’opérer des choix en en mesurant les impacts à court, moyen et long terme, même dans un contexte socio-économico- politique fragile.

Les acteurs locaux de l'éducation à l'environnement sont principalement des associations. Par exemple le mouvement scout est présent en Haïti.

Les programmes scolaires intègrent-ils l'éducation à l'environnement ?

Pour ce qui est de l'intégration de l'éducation à l'environnement à l'école : les curriculas ou programmes détaillés ne comportent pas une matière spécifique d’EE. Par contre, il y a des thèmes du curriculum comme les plantes, les animaux du milieu ou bien l’interaction entre l’homme et son milieu qui permettent de faire le lien avec l’EE. Tout dépend ensuite comment l’enseignant va aborder les contenus et travailler sur les savoirs faire, savoir être et savoir agir. Aujourd’hui les enseignants axent leur apprentissage essentiellement sur les savoirs.

Le GAFE a aussi produit un classeur pédagogique de formation en éducation relative à l'environnement pour les enseignants haïtien. Il comporte quatre parties : "Recycler pour jardiner" ; "Recycler pour créer" ; "Recycler pour observer" et "Recycler pour s’amuser". Les fiches qu'il comporte invite à apprendre à réutiliser les déchets pour en faire un objet de décoration, un outil pour observer la nature ou encore un beau jouet.
Il a également publié trois années de suite à destination des enfants le magazine Ti'Mag, "Yon magazin pou ledikasyon sou zafè anviwònman" (en savoir plus). Ce magazine propose une histoire en bande dessinée, des conseils pratiques et du bricolage.

Après un appel à propositions lancé en juin 2008, le GAFE a été sélectionné par OXFAM Québec et la SOGEMA pour mener un projet de sensibilisation et d'éducation relative à l'environnement (ErE). Financé par l'Agence canadienne de développement international, ce projet se déroule de janvier à décembre 2009.

Ce projet a donné lieu à plusieurs rendez-vous pédagogiques.

En août 2009, trente enseignants ont participé à cinq jours de formation sur l'écologie et la préservation de l'environnement à propos de la conservation des sols, de la gestion des déchets et du cycle de l'eau avec Jane Wynne, administratrice de la Fondation Wynne Farm qui gère une réserve écologique en Haïti. Les enseignants ont été formés aux question de la biosphère et de la biodiversité, de l'écosystèmes sol / eau / végétal, des relations entre l'homme et l’environnement, des conséquences du comportement humain sur la dégradation de l’environnement et des comportements alternatifs responsables à mettre en place. Du point de vue pratique, les stagiaires se sont exercés aux techniques de conservation / amélioration des sols, de compostage, de reproduction de plantes et de réduction des déchets / réutilisation / recyclage.

En octobre suivant, le GAFE a animé cinq jours de formation pratique autour de la conservation de sol, le recyclage des déchets et le développement local à destination d'une centaine de personnes.

Suite à sa participation au forum Planet’Ere III de Ouagadougou, le GAFE a organisé en 2007 un forum pour la promotion de l’éducation à l’environnement en milieu scolaire à Haïti (en savoir plus).

Belgique

Site internet : http://www.reseau-idee.be/

 

Créé en 1989, le Réseau IDée (information et diffusion en éducation à l'environnement) met en relation les acteurs de l'Éducation relative à l'environnement (ErE) : enseignants de tous les niveaux, animateurs, formateurs, parents, éco-conseillers… Il cherche à développer les rencontres entre ces acteurs et la circulation de l'information. Il valorise les projets et les outils pédagogiques, les formations et les centres d'éducation à l'environnement.

Le réseau IDée adopte la définition de l'ErE proposée par la Canadienne Lucie Sauvé : "L'ErE vise à rendre compatible le fonctionnement de l’humanité avec l’écologie globale de la planète en privilégiant la participation des citoyens à la gestion responsable et solidaire de l’environnement et des ressources (pour l'homme et l'environnement). L'ErE vise l’épanouissement des personnes et des communautés à travers leurs relations à l’environnement et à la nature (par l'environnement). L'ErE reconnaît l'accès à l'éducation comme un droit fondamental et comme un levier indispensable dans l'établissement des relations entre les hommes et l'environnement (par et pour l'éducation)."

Quel état des lieux succinct faites-vous aujourd'hui de l'ErE en Belgique ?

En Belgique, le secteur de l’ErE est en pleine expansion depuis une dizaine d’années. On compte, pour un peu plus de quatre millions de francophones, plus de 300 organismes actifs en ErE. Ce sont plus de 500 animateurs sous contrat d’emploi. Les services offerts sont multiples : animations scolaires ou extrascolaires, ateliers et stages, formations, accompagnement de projets, outils pédagogiques, etc. Et si les animations font encore largement la part belle à l’animation nature destinée à un public d’enfants, 50 % des activités touchent désormais à l’environnement au sens large et peuvent aussi bien s’exercer dans le cadre de projets de développement local, dans le secteur social, dans les médias ou dans des entreprises. Ces dernières demeurent néanmoins, avec les publics précarisés, les parents pauvres de l’éducation à l’environnement.

L’école occupe évidemment le haut du podium en matière d’éducation à l’environnement. La découverte et la compréhension de l’environnement, les démarches de l’ErE, s’inscrivent plus ou moins explicitement dans les différents référentiels de nos enseignants, même si cela semble moins "institutionnalisé" qu’en France.

Dans les écoles, nombreux sont ainsi ceux qui intègrent de manière volontaire les dimensions environnementales dans leur cours ou au sein de projets concrets et débouchant, lorsque c'est possible, sur des changements de comportements, voire des évolutions dans l'organisation et la gestion écologiques de l'école. Une étude de 2003 le confirme, le sujet le plus abordé dans les écoles bénéficiant d’animations ou d’outils, est l’environnement (81 % des écoles primaires interrogées). Cependant, les obstacles structurels ne manquent pas, en particulier dans l'enseignement secondaire (12-18 ans), pour mettre en pratique une approche interdisciplinaire, pour coordonner un projet, pour organiser une sortie de plusieurs heures. Il y a là des aménagements à consentir qui doivent être appuyés par des mesures de la part des "pouvoirs organisateurs" et des responsables politiques.

Sans généralisation, l’ErE reste donc le fait de professeurs motivés. Et il y en a heureusement pléthore, reste à les encourager et les reconnaître dans cet engagement, mais aussi à les sensibiliser et à les outiller dès leur formation initiale et en cours de carrière. Des initiatives existent, mais ne touchent pas l'ensemble des enseignants et futurs enseignants.

Par ailleurs, côté métiers, si l'éco-conseil est en plein essor, hormis des initiatives ponctuelles et des orientations plus évidentes comme l’agronomie (bio-ingénieur), on ne peut pas parler d’intégration des dimensions environnementales et du développement durable dans le très grand nombre de sections concernées au niveau des enseignements professionnel, technique, supérieur et universitaire. Il reste un immense chantier.

Comment les acteurs belges de l'ErE intègrent-ils le développement durable dans leurs pratiques ?

De plus en plus d’acteurs de l’ErE, dans leurs activités, dépassent les aspects strictement environnementaux de l’ErE, pour une approche davantage décloisonnée, reliée aux enjeux sociaux, de santé, de solidarité Nord-Sud, de participation citoyenne… Peut-on pour autant parler "d’éducation au développement durable" ? Le débat est latent, en Belgique. Certains des acteurs belges de l’ErE se revendiquent du développement durable, sans en faire ; d’autres le fustigent, en en faisant…

2009, c'est l'année des assises nationales de l'EEDD en France. Existe-t-il une telle dynamique (rencontres, temps de concertation…) en Belgique ?

Oui, c’est même l’une des missions essentielles du Réseau IDée, depuis 20 ans. Environ tous les deux ans, nous organisons des Rencontres de l’ErE, qui réunissent les acteurs durant trois jours, pour échanger nos pratiques et faire avancer la réflexion. Parallèlement, nous mettons sur pied divers groupes de travail thématiques avec les organisations membres du Réseau IDée, débouchant généralement sur une production. Le dernier en date, "Parcours d’ErE", a réuni quelque 70 personnes et organisations, durant cinq journées (déc. 2007 - nov. 2008). Avec l’apport d’intervenants extérieurs, elles ont clarifié ce vers quoi veulent tendre les acteurs et les pratiques d’ErE. Il en ressort un beau document de référence : "L’ErE : pourquoi, comment, pour qui, vers quoi ?" (document PDF) et une campagne grand public, "Porteurs d’ErE", visant à faire davantage connaître le secteur, ses valeurs, ses idées, et à les porter auprès du politique.

L'enjeu majeur des assises françaises est de déterminer les bases d'une politique nationale d'EEDD (encore à construire !). En Belgique, existe-t-il une véritable politique d'ErE ?

Nous venons de passer une législature d’une demi-décennie en demi-teinte, faite d’avancées et de stagnations. Des initiatives encore portées par la motivation de personnes actives dans différentes sphères (administrations, écoles, cabinets, entreprises, etc.) et du monde associatif, et c’est un point fort, mais qui doit passer, pour donner des résultats tangibles indispensables, à une démarche plus stratégique. Pour aider les (récents) élus à mettre sur pied une véritable politique d’éducation à l’environnement, le Réseau IDée vient de publier un "Programme" à l’attention des élus, débordant d’idées et de propositions concrètes pour passer à la vitesse supérieure. Espérons être davantage entendus que les Nations unies, qui avec leur "Décennie de l’EDD" n’ont pas encore réellement trouvé écho chez nous…

Canada

Site internet : http://www.unites.uqam.ca/ERE-UQAM/

 

L'Université du Québec à Montréal (UQAM) comporte depuis 2001 une chaire d'éducation relative à l'environnement (ErE) dont est titulaire Lucie Sauvé. Elle définit ainsi ce champ disciplinaire : "L'éducation relative à l'environnement est cette dimension essentielle de l’éducation fondamentale qui concerne notre relation au milieu de vie, à cette "maison de vie" partagée. Au niveau personnel, l'éducation relative à l'environnement vise à construire une "identité" environnementale, un sens de l'être-au-monde, une appartenance au milieu de vie, une culture de l'engagement. À l'échelle des communautés, puis à celle de réseaux de solidarité élargis, elle vise à induire des dynamiques sociales favorisant l'approche collaborative et critique des réalités socio-écologiques et une prise en charge autonome et créative des problèmes qui se posent et des projets qui émergent." (2007)

À l'occasion des assises françaises de l'éducation à l'environnement et au développement durable (octobre 2009), Lucie Sauvé explique pourquoi de son point de vue il est nécessaire de développer l'ErE aujourd'hui et répond aux trois questions suivantes :

  • Comment l'ErE peut-elle contribuer à enrichir le sens de nos vies individuelles et collectives ?
  • Comment l'ErE peut-elle contribuer à l'innovation sociale, qu'elle soit liée ou non à l'innovation technologique ?
  • Comment l'ErE peut-elle contribuer à influencer les politiques publiques ?

D'autres opinions de spécialistes à découvrir en vidéo sur le site des Assises (Philippe Meirieu, Pierre Rabhi…).

Suisse

Site internet : http://www.educ-envir.ch/


La Confédération, des cantons, des villes, des institutions de formation et de protection de l'environnement ont créé la Fondation suisse d'Education pour l'Environnement (FEE) pour promouvoir l'éducation à l'environnement (EE) en Suisse (et dans la Principauté du Liechtenstein), conseiller et soutenir les responsables en EE, coordonner des initiatives, campagnes éducatives et processus politiques en EE, impulser et expérimenter des projets pilotes, favoriser l'accès aux principales informations et ressources et renforcer la collaboration avec l'étranger et avec les partenaires d'autres domaines d'activités proches.

En tant que centre suisse de ressources pour l'éducation à l'environnement, la FEE propose sur son site une "plate-forme" documentaire très fournie dont le sommaire peut être découvert sur cette page. On y trouve entre autre l'entretien "Approches et regards croisés sur l'intégration à l’école de l'éducation au développement durable", partiellement cité ci-dessous, avec Francine Pellaud, aujourd'hui inspectrice scolaire pour la partie francophone du canton de Berne et auparavant chercheuse en médiation du développement durable, et François Audigier, professeur en didactiques des sciences sociales à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'université de Genève.

"Le débat sur l’intégration de l’éducation au développement durable à l’école est d’actualité. Deux courants de pensée tentent de convaincre du bien-fondé de leur démarche. D’un côté les partisans d’une approche privilégiant les sciences naturelles et de l’autre ceux qui s’appuient davantage sur les sciences sociales. Si ces approches et conceptions divergent parfois, les finalités ne sont pas forcément très éloignées.

Pour mieux comprendre les arguments de chacun, nous avons interrogé Francine Pellaud et François Audigier, deux personnalités romandes fortement impliquées dans ce processus.

EDD = éducation au développement durable
EE = éducation à l’environnement
ED = éducation au développement

Vous enseignez tous deux dans un cours où l'EDD apparaît dans le titre. Pour l'un, elle est associée à l'éducation à la citoyenneté, et pour l'autre, à l'éducation à l’environnement. Cela signifie-t-il que vos approches ne sont pas les mêmes, que vos courants de pensée et vos objectifs divergent ou, au contraire, êtes-vous simplement complémentaires ?

F. Audigier : J’ai simplement envie de répondre, les deux, à la fois différentes et complémentaires.

L’EDD a deux origines : l’EE qui a, de fait, été prise en charge le plus souvent par des enseignants de sciences naturelles, de sciences de la vie et de la terre, et l’ED qui a été prise en charge le plus souvent par des enseignants de sciences sociales, géographie, histoire, citoyenneté, économie, etc.

De plus, le développement durable est un problème politique au sens où les solutions sont d’ordre politique. Dès lors l’entrée par les sciences sociales est nécessaire. Cette entrée demande autant de rigueur que celle opérée par les sciences de la nature. Je suis souvent inquiet de voir à quel point on est soucieux d’introduire un certain niveau d’"exigences scientifiques" lorsque l’on traite de biologie et de sciences de l’énergie, par exemple, et inversement comment le droit, la géographie, l’économie, etc., peuvent donner lieu à des approches qui s’apparentent plus au café du commerce qu’à une approche rigoureuse. Et comme nous ne pouvons être compétents partout, deux approches complémentaires de l’EDD valent mieux qu’une !

F. Pellaud : Pour ma part, je vois l’EDD comme un tout complexe, dans lequel environnement et citoyenneté sont inclus. Mais si elle les inclut, elle les dépasse aussi largement. Comme le dit Morin, "le tout est plus, mais aussi moins que la somme de ses parties". Je pense que la nuance qui différencie nos approches se situe dans ce "moins", la citoyenneté et l’environnement ayant tous deux leurs caractéristiques spécifiques.

Néanmoins, en visant la responsabilisation individuelle au sein d’une collectivité, j’essaie que mes étudiants deviennent d’abord des citoyens, dans tout ce que ce terme renferme de droits mais aussi de devoirs. En ce sens, le respect de l’environnement, comme le respect de toute vie, en fait intrinsèquement partie. Et si certains voient la culture comme quatrième pilier du développement durable, personnellement, j’aime mettre l’éthique comme objectif commun à ceux que l’on nomme habituellement : l’économie, l’écologie et le développement social.

Alors que tout le monde s'accorde à dire qu'à l'école l'EDD ne doit pas être une discipline supplémentaire, quels sont les objectifs prioritaires qu’elle doit viser et comment articuler ces objectifs dans les programmes scolaires et la formation des enseignants ?

F. Pellaud : Avant toute chose, je pense qu’il est bon de rappeler qu’aborder le monde avec les lunettes du "développement durable" est avant tout une autre manière de penser, de comprendre et de… vivre, un autre regard sur le monde actuel. Dès lors, il apparaît comme évident qu’on ne peut rien mettre sous une discipline relative au développement durable puisque tout peut s’y inscrire !

Un excellent article paru dans L’Éducateur (dossier 11/2006) montre d’ailleurs très bien le cheminement qui mène d’un enseignement "traditionnel" à une EDD. L’inscrire de manière transversale dans les programmes n’a donc rien de sorcier puisque, tous les enseignants qui en ont fait l’expérience vous le diront : en abordant des sujets "traditionnels" avec les lunettes du DD, leurs élèves vont bien au-delà de ce que les programmes prévoient ! Normal, car en transcendant les disciplines, en faisant ce qu’on appelle une approche "systémique" de l’objet d’étude, ils offrent aux élèves des possibilités de créer des liens, de mettre en relation des éléments ou des événements qui vont bien au-delà de la simple notion de "transfert".

Reste la douloureuse question de la formation des enseignants. Issus eux-mêmes d’un enseignement "traditionnel", entourés de formateurs qui n’ont pas forcément cette vision transdisciplinaire et systémique si spécifiques au développement durable, on a parfois l’impression d’un serpent qui se mord la queue. Une mutualisation des expériences réussies menées en classe pourrait certainement pallier en grande partie ce problème. C’est d’ailleurs ce que je fais, en demandant à certains enseignants de venir parler de leur propre expérience devant mes étudiants. On peut aussi imaginer qu’une plus grande collaboration entre chercheurs travaillant sur ces thèmes et enseignants serait la bienvenue.

F. Audigier : Grosso modo, déjà chez les Grecs, il y a deux manières principales d’éduquer et d’instruire les jeunes générations, de pratiquer un enseignement au sens fort du terme :

  • introduire peu à peu les élèves dans des disciplines scolaires, comme autant de manières spécifiques de construire et de comprendre le monde. On postule que les savoirs, savoir-faire et compétences construits dans ce cadre seront des outils pour affronter le monde et les situations vécues ;
  • mettre les élèves en quelque sorte face au monde et les inviter à interroger ce monde, leurs expériences, les situations vécues, etc. On prend alors appui sur ces expériences, ces situations pour introduire des savoirs et des savoir-faire, construire des compétences. Mais dans ce cas, ces introductions se font dans la logique des situations et non dans celle des constructions disciplinaires.

Il y a aujourd’hui un conflit majeur entre la première approche qui caractérise la forme scolaire mise en place en Occident depuis le XVIIIe siècle et la seconde approche qui s’appuie sur des demandes sociales, elles-mêmes très diverses et en compétition, sur le souhait d’un enseignement plus utile, lié plus directement à la vie et à la recherche de solutions. Ici le souci de la vérité s’efface devant celui de l’efficacité et la recherche d’une modification, notamment par l’action, des comportements, des attitudes.

Tant que cette tension, voire cette contradiction, n’aura pas été travaillée en tant que telle, nous serons dans des solutions bricolées (au sens très positif du terme) par les acteurs qui sont convaincus de l’importance de l’EDD. Mais cela n’ira guère au-delà de ce cercle de convaincus.

Comment faudrait-il procéder pour faire adhérer les enseignants aux principes de l'EDD et pour qu'ils s'approprient la démarche et la méthodologie ?

F. Audigier : Une revue, même partielle, de la littérature met en évidence que l’EDD est un vaste fourre-tout sous lequel chacun met ce qui l’intéresse et ce qu’il souhaite. Quelques grandes généralités, si sympathiques soient-elles, ne suffisent pas à donner de la cohérence à cette éducation. L’EDD n’implique pas, par elle-même, par essence, une démarche ou une méthodologie particulière. L’EDD peut très bien être dispensée sous forme normative et uniquement discursive. Les démarches mises en avant aujourd’hui résultent d’une approche liée à des théories de l’apprentissage, qui sont elles-mêmes transformées en théories et pratiques d’enseignement, alors que l’apprentissage n’est pas le complémentaire symétrique de l’enseignement. Ceci dit, il y a des enseignants de tout niveau scolaire qui font en ce domaine des travaux tout à fait passionnants avec leurs élèves. Ces travaux méritent d’être à la fois diffusés et connus par les divers canaux possibles et d’être soumis à des analyses rigoureuses pour en évaluer les effets, etc. Et comme chacun de nous ne peut ni tout connaître, ni être informé de tout, il faut accepter, voire encourager la mise en place de réseaux pluriels, divers, multiples.

F. Pellaud : Tout comme les industriels changent leur manière de produire lorsqu’ils voient qu’économie d’énergie et de matières premières et que bien-être des employés veulent dire économie d’argent, je pense qu’il faut que les enseignants perçoivent le "plus" que recèle l’EDD. Et le premier de ces "plus" est certainement la motivation. Dans les expériences que j’ai eu la chance de partager avec des classes primaires, je n’ai pas le souvenir d’un seul enfant qui ne se réjouissait pas de poursuivre le travail entrepris sur ces thèmes. Et je peux dire que ce même enthousiasme, je le retrouve chez mes étudiants à l’université ! Le développement durable est un thème porteur à plus d’un titre. Et l’impression qu’à travers cette prise de conscience, on peut passer d’un stade de spectateur subissant l’évolution du monde, à celui d’acteur participant à sa construction n’est certainement pas le moindre.

Quel peut être le rôle et la place de l'EE dans ce processus d’intégration de l’EDD dans la formation ?

F. Pellaud : Elle peut être une entrée privilégiée, surtout pour les petites classes. En effet, parce qu’elle parle souvent d’animaux, de fleurs, de milieux de vie proches des enfants, elle rend le DD plus concret et surtout, empreint d’émotivité, d’affectivité. Le risque actuel, c’est de rester à cette "découverte de la nature" et d’oublier de la resituer dans son cadre écologique (dans lequel les notions de système, d’interaction et d’interdépendances, etc. sont essentielles), social et économique. Aborder les déchets à l’école n’a de sens qui si l’on parvient à dépasser l’objectif du tri pour aborder la signification du "recyclage" et plus encore, pour réfléchir à ce que sont les déchets (et là encore, on peut ne pas se limiter à ce qui atterrit dans notre poubelle) et surtout à la manière de les éviter. c’est-à-dire poser la question de la consommation, dès l’école enfantine.

F. Audigier : Je laisse le soin aux personnes compétentes en EE de répondre à cette question. En revanche, je réponds à celle qui n’est pas posée, concernant l’EDD. Celle-ci a pour origine l’EE et l’ED. Il y a de fait une tension entre les approches de l’EE qui mettent souvent l’accent sur les données dites naturelles et l’ED qui est plus sensible aux problèmes sociaux, à la pauvreté et aux inégalités, à différentes échelles.

© Article de la Fondation suisse d’Education pour l’Environnement (FEE), parution partielle dans la revue L’Éducateur (2/2007) et sur le site educ-envir.ch (1/2007). Février 2006. (Source)

France



Le Collectif français pour l’éducation à l’environnement vers un développement durable (CFEEDD) a été formé en 1997 à la suite du premier forum francophone de l’éducation à l’environnement de Montréal (Planet'ERE 1). Il a pour vocation de regrouper les organisations de niveau national (associations d’éducation à l’environnement, associations d’éducation populaire, associations de protection de l’environnement, syndicats d’enseignants, associations de parents d’élèves, de parcs régionaux, de consommateurs, d’acteurs de la ville…) pour être la plate-forme représentative et reconnue des acteurs de la société civile œuvrant en faveur du développement de l’éducation à l’environnement en France.

Le CFEEDD a organisé en octobre 2009 les deuxième assises nationales de l'éducation à l'environnement vers un développement durable, auxquelles Franc-parler a participé. Les 900 participants ont été invités à écrire de manière collective l'''Appel des participants aux Assises nationales à Caen Basse-Normandie pour le passage à l’action en faveur de l’Éducation à l’environnement et au développement durable'' que vous pouvez découvrir sur cette page (document PDF).

Synthèse

En 2005, le CFEEDD, missionné par l'UNESCO, a établi à la suite d'une enquête le document "État de l’existant de l’Éducation à l’environnement en vue du développement durable (EEDD) dans la francophonie". Basé sur 178 questionnaires renvoyés de 22 pays différents par des acteurs très divers oeuvrant à des échelles différentes, cet état des lieux de six pages fait écho à la réalité vécue par des acteurs francophones de l’éducation à l’environnement à cette époque.

Il aborde les thèmes suivants : pratiques personnelles de l'EEDD, situation de l'EEDD dans les pays francophones, avis sur l'évolution de l'EEDD et perspectives. On peut le consulter sur cette page (PDF).

Rédaction : Elodie Ressouches - Première publication : 07/12/09 - Mise à jour : 07/12/09

© Franc-parler.org : un site de
l'Organisation internationale de la Francophonie