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Production oraleMarc Roger, lecteur public

 

Marc Roger a publié des chroniques méditerranéennes : Sur les chemins d’Oxor (Actes Sud).

 

"À part marcher, toujours et encore, je n'ai pas trouvé meilleure façon d'être au monde que de lire, encore et toujours ! L'une et l'autre activités m'offrent la possibilité d'un ailleurs. Je crois à la rencontre, sur les chemins et dans les livres." (Marc Roger)

La compagnie pour laquelle vous travaillez, "La voie des livres", propose un grand nombre de prestations afin de promouvoir le livre et la lecture à voix haute : comment définir le métier de lecteur public ?

Être lecteur public, c’est se faire "haut parleur" d’un texte qui a été écrit par un auteur, ce qui nous distingue du conteur qui lui est dans une syntaxe orale. Ce dernier s’approprie une trame du répertoire local, régional ou international et va investir cette trame avec sa propre syntaxe, son propre vocabulaire. Le lecteur public met en oralité, pour sa part, les textes écrits en respectant la littérature de l’auteur.

Notre spécificité est également que nous déclinons l’activité partout dans la cité et pour tous les publics et pas seulement dans l’espace confiné des bibliothèques, librairies ou lors de salons du livre.

Notre but est d’aller vers le public non lecteur et qu’il y ait une véritable rencontre avec l’objet livre, l’essentiel étant de passer un bon moment !

Une auditrice

Vous organisez des lectures publiques à l’étranger, notamment autour de la Méditerranée (une vingtaine de pays autour de la Méditerranée en 2003-2004) et dernièrement au Brésil. Que proposez-vous lors de vos voyages et comment se passent ces rencontres avec des publics très divers (enfants, adultes, étudiants...) et parfois non francophones ?

Lors du voyage autour de la Méditerranée, j’ai été en contact avec un public essentiellement apprenant. J’avais fait publier une nouvelle d’un auteur marocain traduite en français qui était remise comme un passeport au public et cela les rassurait beaucoup d’avoir cette petite nouvelle dans les mains pour la première lecture.

Il y avait toujours un traducteur, soit un bibliothécaire, soit un professeur, soit un libraire qui avait préparé ces traductions (nous avions envoyé le texte avant par courrier électronique). D’autres fois, nous improvisions et tout le monde pouvait jouer le jeu de la traduction et devenir traducteur l’espace d’un instant.

J’ai découvert que beaucoup de gens pratiquaient le français autour de la Méditerranée et que nombreux étaient francophiles. Les trois expressions qui revenaient assez souvent étaient : "le français, langue de l’amour", "le français, langue de Molière" et "le français, langue de liberté", notamment en Libye où un homme m’a dit "j’entends la langue de Molière et j’ai envie de parler avec vous"… Ces rencontres sont évidemment très fortes et émouvantes.

En Bosnie Herzégovine, je suis allé à la rencontre de tous les publics : les maisons de retraite, les prisons, les cafés littéraires… J’ai mis en place un exercice que je ne connaissais pas : la lecture en traduction simultanée. Je travaille alors coude à coude avec le traducteur, mon rôle étant de mettre en scène, de mettre en valeur le traducteur sur les intonations qu’il n’a pas d’emblée, par exemple. Les deux langues se chevauchent alors et cela permet aux apprenants d’être dans une compréhension immédiate de la langue étrangère.

La lecture publique est donc très vivante, on suggère les personnages même si on ne les joue pas complètement. Il faut donc aider le traducteur à changer la posture et à devenir comédien, amuseur. La langue française devient alors un vecteur de sympathie, de décontraction et nous ne sommes plus dans l’apprentissage figé et difficile de la langue. Je propose également beaucoup d’albums jeunesse drôles. Je recopie le texte au dos et me cache derrière le livre afin de mettre en scène l’histoire.

Au Brésil, où j’ai formé des bibliothécaires pendant un mois, j’ai pu constater que le sens en langue maternelle arrive après le rire provoqué par la lecture expressive en français alors même que les élèves ne comprennent pas le français.

Quels conseils donneriez-vous aux enseignants qui souhaiteraient faire lire à voix haute leurs élèves ? Est-ce une source de motivation pour des apprenants de français ?

Il faut tout d’abord que les enseignants aient envie de le faire. Avec une lecture terne et didactique, il est très difficile de faire passer les sentiments et donc la langue. Il faut motiver ses élèves, leur donner envie, leur donner le goût de la langue étrangère. Il faut également rassurer les élèves qui ont peur de faire des fautes. En Libye, par exemple, les élèves voulaient tous parler et dire une phrase. Il faut donc les encourager à prendre la parole puis à lire à haute voix.

L’élève va être baigné dans une histoire et dans un bain linguistique et même s’il n’y a pas de compréhension directe de la langue, l’essentiel est passé.

Je souhaite que mon passage ait donné envie aux élèves de lire aux autres et dans les classes. J’ai d’ailleurs pu constater que beaucoup d’élèves s’étaient mis à lire des albums aux plus jeunes donc je suis ravi !

Marc Roger

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Première publication : 18/12/06 - Mise à jour : 21/12/06

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