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Concours de correspondances de classes

Entretien avec Marie-Odile Av

Marie-Odile Av est enseignante à l'école Les Sources à Beynost, en France. Sa classe a été lauréate du concours de correspondances de classes 2005 de la FIPF.

Vous avez participé l’an dernier avec votre classe de CM2 au concours de correspondances de classes avec une classe du Mozambique. Pourquoi avoir décidé de faire participer vos élèves à ce grand concours international ?

La correspondance a débuté en septembre alors même que j’ignorais qu’il existait un concours de correspondances de classes. Les courriers échangés étaient riches à tous points de vue lorsque mon contact au Mozambique m’a informé de ce concours. Le choix de la participation a été guidé d'abord par l’envie de faire parler de ces enfants francophones du camp de réfugiés. Ensuite, ce concours offrait la possibilité de créer une motivation supplémentaire pour les élèves français - la motivation n’est d’ailleurs pas apparue tout de suite chez tous les enfants. Certains redoutaient en effet que cela crée un surplus considérable de travail, ce qui n’a pas été le cas. Enfin, cette participation permettait de légitimer cette correspondance aux yeux de certains parents d’élèves.

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Illustrations : exemples de lettre - cliquer sur l'image

Comment s’est organisée et déroulée cette correspondance ?

Les premiers courriers sont partis de France. Les enfants proposaient aux élèves du Mozambique d’échanger des lettres. Le directeur de l’école française du Mozambique s’est réjoui de cette initiative. Les enfants avaient tous un et un seul correspondant. Aux missives ont parfois été joints de petits exposés sur la vie en France avec des dessins et une fois un jeu. La correspondance s’est étalée sur l’année scolaire 2004-2005 et déborde même aujourd’hui sur l’année scolaire en cours. Certains anciens CM2, devenus collégiens, viennent dans leur ancienne école me demander des nouvelles du Mozambique.

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Quels étaient vos principaux objectifs pédagogiques ?

Nos objectifs étaient la maîtrise de la langue - rédaction de lettres individuelles, réalisation de lettres collectives, composition de minis exposés, lecture des courriers reçus - l’éducation à la citoyenneté et la découverte de la Francophonie et l'éducation artistique et culturelle. Les élèves ont ainsi inséré dans une comédie musicale animée par une intervenante du conservatoire de musique une création jouée et dansée d'inspiration africaine. Une visite du musée africain de Lyon a permis aux élèves de s’imprégner d’une culture différente de la leur et de reproduire des masques africains. Ces trois premiers objectifs sont aussi les trois objectifs du projet de l’école des Sources.

Un des projets n’a pas été mené à son terme faute de temps : il s’agissait de l’enregistrement d’une cassette audio sur laquelle les élèves devaient réciter des poésies, interpréter des contes et chanter quelques chansons du répertoire français.

En géographie, un travail sur les pays africains d’origine de nos correspondants a pu être mené à bien. En informatique, les élèves ont pu saisir sur ordinateur certaines de leurs lettres et auraient dû, si cela n’avait pas été aussi difficile avec le Mozambique, utiliser internet eux-mêmes pour expédier leurs courriers.

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Quelles tâches avez-vous attribué aux élèves et comment avez-vous évalué le travail réalisé par chacun d’entre eux ?

Les élèves devaient produire un écrit en accord avec la consigne proposée (correspondance ou mini exposé) tout en respectant les contraintes orthographiques, syntaxiques et lexicales de la langue française et en respectant les contraintes de présentation liée à ce type d’écrit.

Les enfants devaient aussi lire ou résumer des extraits des lettres qu’ils recevaient à l’ensemble de la classe afin que tous bénéficient de la richesse que ces écrits véhiculent.

Chacun des travaux a nécessité une à deux séances pour le premier jet suivies d’une séance pour le second jet et de deux séances pour la saisie informatique lorsque c’était le cas. Pour les minis dossiers, il faut encore ajouter une séance de recherche. Les dessins qui accompagnaient souvent les missives n’ont pas été réalisés pendant le temps scolaire.

Les écrits réels n’ont jamais été évalués. Seuls des écrits fictifs en rapport avec cette correspondance ont été pris en compte pour l’évaluation des élèves. Voici un exemple d’évaluation.

Quel a été votre rôle au sein de la classe durant ces échanges ?

Lors de l’écriture des courriers de France au Mozambique, mon rôle a été celui de tout enseignant : proposer des thèmes à explorer dans les lettres, indiquer les erreurs aux élèves, les inciter à utiliser des outils pour se corriger, assurer le suivi des corrections apportées… mais aussi expliquer qu’il n’était peut être pas nécessaire de décrire en détail des vacances paradisiaques récemment passées !

Au moment de la réception des courriers, mon rôle était souvent d’aider à la compréhension des écrits (formules typiquement africaines, calligraphie difficile à déchiffrer et questions sur le choix du contenu - par exemple, "Pourquoi mon correspondant parle-t-il uniquement de Dieu dans cette lettre ?"… ; de veiller à ce que certains enfants ne soient pas trop affectés par les informations contenues dans certaines lettres. J’ai souvenir d’une Margaux en pleurs qui me suppliait : "Il faut vite faire quelque chose, ma correspondante veut vendre ses rations alimentaires pour payer une photo qu’elle m’enverra après…"

Il est à noter aussi que dans cette classe se trouvaient deux enfants présentant chacun un handicap qui nécessitait la présence d’une auxiliaire de vie scolaire (AVS). La présence de cette personne supplémentaire en classe pendant les phases de préparation des échanges s’est avérée d’une grande utilité car il est vrai que généralement les enfants sollicitent presque tous en même temps l’intervention de l’adulte. Un œil sur cette correspondance qui n’était pas celui d’une enseignante mais plus celui d’une maman a permis aussi aux enfants de saisir leur chance d’effectuer une "vraie" correspondance plutôt qu’un exercice purement scolaire.

Quels ont été les apports de cette expérience ? Y a-t-il eu une participation active des élèves tant en France qu’au Mozambique ?

Cette correspondance a permis à chacun d’ouvrir un peu plus sincèrement les yeux sur l’autre. Le mot tolérance n’a pas été prononcé en classe et pourtant c’est le maître mot qui a régi toute cette correspondance.

Le fait de se présenter au concours de correspondance a permis aux élèves français de rêver, oui, de rêver. Ils se demandaient : "Et si l’on gagne, que va-t-il se passer ? Et si l’on ne gagne pas, est-ce que quelqu’un aura entendu parler de nos correspondants réfugiés au Mozambique ?" Je ne résiste pas au plaisir de vous narrer une petite anecdote. Lorsque les résultats ont été proclamés, j’ai tenté de joindre ma messagère au Mozambique, qui m’a indiqué, grâce à un téléphone portable, que le pays vivait de nombreuses coupures de courant depuis quelques jours et qu’il lui serait impossible de se connecter sur internet. Les élèves français ont laissé s’exprimer leur joie en apprenant les résultats et pour partager cette "fête" avec les enfants du Mozambique, ils ont suggéré "d’allumer une bougie" afin d’être dans la même situation que leurs correspondants qui allaient apprendre la nouvelle aussi. Madame Adelyne Lefebvre, organisatrice du concours, parlait d’une correspondance à la fois naïve et lucide et il me semble que ce sont les mots justes. Cette correspondance a apporté aux enfants un peu plus de lucidité, le concours leur a permis de grandir, la réussite à ce concours a engendré de l’espoir et un peu de fierté, il faut l’avouer. Lorsque des élèves ont rédigé un article dans notre journal scolaire pour faire part de la "victoire", oui, une certaine fierté se lisait entre les lignes.

À mes yeux, chaque enfant de chacune des deux classes a participé activement à cette correspondance et à ce concours parce qu'ils ont dépassé le fait de se prendre au jeu et ont été réellement intéressés par cette expérience.

Quels conseils pratiques et méthodologiques donneriez-vous aux professeurs qui souhaiteraient participer à la prochaine édition du concours Correspondances de classes ?

La présence d’une AVS en classe a été pour moi une aide précieuse lors des passages à l’écrit des enfants comme en salle informatique, c’est pourquoi je me permets de conseiller à des enseignants qui souhaiteraient participer à la prochaine édition du concours de solliciter si possible l’aide d’un adulte supplémentaire en classe lors des phases de rédaction ou de réécriture des lettres.

À tous, je souhaite une correspondance très riche et bonne chance !

Rédaction : Emeline Giguet-Legdhen - Première publication : 01/10/05 - Mise à jour : 26/01/06

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