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Se former au Français sur objectifs spécifiques

Entretien avec Antoinette Zabardi

Antoinette Zabardi est spécialiste du FOS et formatrice au Centre international d’études pédagogiques (CIEP), à Sèvres (France).

Vous intervenez, en tant que formatrice, lors des stages BELC* organisés par le CIEP, dans le cadre du module "Français sur objectifs spécifiques" : quel est l’objectif général de cette formation et à quels besoins répond-elle ?

Les enseignants et/ou formateurs qui s’inscrivent au module FOS apprennent à maîtriser les différentes étapes de l’élaboration d’un programme de cours sur mesure pour des publics identifiés dont les besoins ont été définis conformément aux méthodes de l’ingénierie de la formation et de la gestion de projets. En effet, dès qu’un centre de langues reçoit une demande de formation pour un groupe de personnes qui souhaitent apprendre rapidement, non plus "le français", mais "du français", pour effectuer une tâche définie, nous sommes dans le champ du français sur objectifs spécifiques. Il peut s’agir, par exemple, de parents d’élèves d’un lycée français de l’étranger qui souhaitent apprendre le français pour mieux suivre la scolarité de leurs enfants, ou d’hommes d’affaires qui doivent entretenir des contacts professionnels avec la maison mère de leur entreprise. Pour être capables de répondre efficacement à ces demandes de formation, les enseignants de FLE doivent s’approprier des compétences nouvelles pour évoluer du statut d’utilisateur d’une méthode à celui de concepteur de programmes, y compris dans un domaine de spécialité (affaires, médecine, génie civil, etc.).

Quelle place occupe, à votre avis, l’enseignement du français sur objectifs spécifiques dans le champ de la didactique du FLE ?

Le FOS est un sous-ensemble spécialisé du domaine plus large qu’est le FLE.

Comment s’élabore concrètement un programme de formation de FOS ?

L’élaboration d’un programme FOS fait appel à la gestion de projet, qui comprend trois étapes obligatoires : 1° Analyse, recherche ; 2° conception, élaboration ; 3° mise en œuvre et suivi/évaluation. Au cours de la première étape sont rassemblées toutes les informations utiles sur les apprenants, le contexte, le/les enseignant(s) chargés du projet. La synthèse de ces informations permet d’élaborer un document appelé "cahier des charges". Pendant la deuxième étape, il s’agit de définir les situations dans lesquelles le français est utilisé, de constituer un corpus pour en tirer les objectifs d’apprentissage, d’élaborer un référentiel et un programme ainsi que les dossiers pédagogiques et les évaluations. La troisième étape, c’est la mise en œuvre du projet, c’est-à-dire le début des cours avec les apprenants. Le suivi consiste à observer le déroulement du processus, à vérifier si les objectifs fixés ont été atteints et quel est le degré de satisfaction des apprenants. Enfin, il faut évaluer globalement le projet pour être capable de réagir en cas de besoin pendant la formation et de partir en stratégie d’offre vers l’extérieur si le programme proposé peut, après adaptation, convenir à d’autres publics.

À quels niveaux peut-on envisager des programmes de FOS ? Est-il possible, selon vous, de prévoir des formations en FOS pour des débutants ?

Certains programmes de FOS sont accessibles à partir de 120 à 150 heures de français. Il est également possible, à certaines conditions, de préparer des formations en FOS pour des débutants. Si vous enseignez dans une institution de formation initiale, par exemple le français de l’économie dans une filière "Gestion d‘entreprises", vous pourrez expérimenter votre programme sur plusieurs années, l’améliorer et le compléter. Le lourd investissement à fournir au départ sera ainsi mieux rentabilisé. Si vous élaborez un programme pour une opération unique sur un volume horaire réduit, cela n’en vaut pas la peine.

Pour les débutants, une solution intermédiaire est toujours possible : utiliser une méthode FLE pour les 100/150 premières heures tout en ajoutant en parallèle et progressivement des documents et des activités du domaine de spécialité des apprenants. Il existe sur le marché, en français de l’entreprise, des méthodes pour quasi-débutants : "A grande vitesse" pour la communication professionnelle généraliste, "Tourisme.com" pour le français du tourisme. Elles sont très utiles mais nécessitent une adaptation ou des compléments selon les contextes d’utilisation.

Comment se construisent les activités de classe et quelles ressources sont disponibles ou mobilisables pour les enseignants, y compris sur internet ?

Pour atteindre les objectifs fixés, il faut élaborer du matériel pédagogique spécifique pour chaque programme en utilisant d’une part les activités de classe du FLE et d’autre part des activités qui appartiennent au domaine professionnel ou spécifique de l’apprenant. Parmi les activités possibles, la simulation (globale ou partielle) réconcilie par nature ces deux exigences. Prenons le cas de la communication professionnelle pour des fonctionnaires européens ou internationaux. L’objectif général est d’"être capable de communiquer dans le cadre professionnel avec des partenaires francophones" et un des objectifs spécifiques est d’"être capable d’utiliser correctement les titres des partenaires francophones". Ce dernier objectif peut être atteint en simulant une réunion de service qui aura à son ordre du jour la résolution d’une situation-problème telle que : "Comment organiser un dîner officiel et proposer un plan de table ?"

Dans un programme FOS pour un public d’étudiants, intégrer des activités qui appartiennent à leur domaine spécifique revient à travailler les méthodes de travail universitaire : prise de notes, synthèse de documents, résumés en langue maternelle à partir de documents en langue étrangère, exercices classiques en formation linguistique préprofessionnelle.

Le manque de ressources en FOS constitue certainement un frein au développement de ce type de cours. Mais depuis quelques années, l’internet vient pallier partiellement l’insuffisance de publications. L’accès à l’internet permet aux enseignants de se former aux domaines de spécialité (par exemple pour connaître les différents métiers du génie civil ou du droit), de proposer à leurs apprenants des activités à préparer à partir de documents disponibles en ligne (une revue de presse de la semaine passée en Belgique), de communiquer avec leurs apprenants pour les entraîner à l’expression écrite (correction de résumés de la séance précédente), etc. Il est maintenant devenu presque indispensable que les enseignants chargés de cours de FOS disposent d’un accès à l’internet et sachent utiliser efficacement un ordinateur.

Quelles compétences attendre de l’enseignant de FOS ? Une formation dans la spécialité est-elle nécessaire ?

Passer de l’enseignement du FLE à l’enseignement du FOS exige d’ajouter de nouvelles compétences à son portefeuille personnel : concepteur/trice de programme, concepteur/trice de matériel pédagogique, tuteur(trice)/conseiller(ère) pédagogique pour adultes, chercheur(e), organisateur/trice de formation, animateur/trice d’équipe pédagogique, agent commercial pour le démarchage, etc.

Une formation dans la spécialité n’est nécessaire que si le programme à élaborer inclut une langue de spécialité. Or de nombreux programmes de FOS ne concernent que le français de la communication professionnelle généraliste. Ce qui réclame malgré tout une bonne connaissance du monde de l’entreprise pour identifier correctement les situations de communication et inventorier les échanges entre les différents acteurs de la vie en entreprise.

En revanche, un programme de cours pour des étudiants en génie civil ou en droit, impose à l’enseignant d’entrer dans la spécialité pour savoir se repérer dans la matière, connaître les différentes branches, les métiers, comprendre les documents produits par la profession ou le domaine. Pour constituer des corpus pertinents, il est indispensable d’avoir un minimum de connaissances dans le domaine de spécialité, ce qui ne requiert pas d’en devenir un spécialiste. Il s’agit plutôt de se construire progressivement une relative familiarité avec le domaine spécifique pour communiquer avec les spécialistes et faciliter les échanges avec les personnes ressources.

Contact :

Antoinette Zabardi
CIEP
1 avenue Léon Journault
92318 Sèvres Cedex
Courriel : Zabardi@ciep.fr

Liens :
Rédaction : Emeline Giguet-Legdhen - Première publication : 2005 - Mise à jour : 31/01/06

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