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Solange Pekekouo NgouhPrix RFI Le monde en français 2004

Entretien avec Solange Pekekouo Ngouh




Solange Pekekouo Ngouh est professeur de français au lycée de Makepe à Douala, au Cameroun. Elle est la lauréate du prix 2004 pour sa fiche : "Les bourses des étudiants africains."

Qu'est-ce qui vous a décidé de participer à ce grand concours international s’adressant aux professeurs de français ?

J’ai décidé de participer à ce concours dont j’étais loin d’imaginer la grandeur et l’importance pour quatre raisons fondamentales : j'ai voulu d’abord rompre avec la monotonie contraignante des enseignements habituels et classiques du français basés presque exclusivement sur les manuels scolaires ; j’ai voulu ensuite découvrir le travail à distance très enrichissant par le biais d’Internet ; j’ai aussi voulu produire un travail compétitif avec les professeurs de français du monde entier ; enfin je voulais essayer quelque chose de nouveau.

Aviez-vous déjà travaillé dans vos propres classes à l’aide du média radiophonique et quels sont, d’après vous, les apports de celui-ci en tant que support pédagogique ?

Ce concours a été pour moi la première occasion de travailler avec un média en classe. Cela est d’autant plus difficile que mon lycée n’a pas d’électricité. Disons que, pour réussir ce travail, j’ai scrupuleusement respecté le règlement du concours tel que présenté sur le site. Je me suis soumise à une enquête rigoureuse qui découlait des activités d’écoute que je donnais à ma classe de 102 élèves à faire à la maison. Ces activités ont eu, à ma grande surprise, des conséquences sur la vie familiale de mes élèves car tout le monde trouvait un intérêt particulier à écouter les émissions et cela permettait à l’enfant d’obtenir la permission d’utiliser le poste radio, ce qui n’est pas toujours le cas.

Nous faisions, le lendemain de chaque écoute, un compte rendu d’écoute que j’ai appelé "Le quart d’heure RFI". Les 15 élèves sur 102 au départ qui ont fait l’objet de cette expérience concrète de la radio étaient ceux qui avaient régulièrement fait le travail d’écoute à la maison pendant deux semaines, et qui étaient motivés par le travail avec ce support. L’utilisation du média en classe est d’un grand intérêt, tant pour l’apprenant que pour l’enseignant, dans la mesure où l’élève apprend en jouant, dans la détente. Il choisit ses chaînes de radio et ses émissions en fonction de ce qu’il y trouve comme intérêt.

L’éducation aux médias est alors enclenchée et très vite, il le communique aux autres et sa famille en profite aussi. Dans plusieurs familles, grâce au travail d’écoute auquel nous avons initié nos élèves, les postes radios sont sortis des chambres pour s’installer dans les salles de séjour, à côté des écrans de télévision.

Aujourd’hui, l’utilisation de la radio est devenue une pratique régulière dans mes salles de classe mais ponctuelles à cause de la non alimentation de nos salles de classe en électricité et j’utilise désormais presque exclusivement les médias camerounais qui sont tout aussi riches et plus accessibles pour tous.

Votre fiche est intitulée "L’initiation à la rédaction du texte argumentatif à valeur persuasive en classe de troisième année du secondaire" : quel extrait d’émission de RFI avez-vous sélectionné, pourquoi avoir choisi d’en faire une exploitation pédagogique pour la classe et quels étaient vos objectifs pédagogiques principaux ?

J’ai choisi pour un début de travailler avec les émissions de RFI dont les sujets étaient proches des préoccupations de mes élèves, à savoir les émissions parlant de l’Afrique. Il s’agissait d'"Afrique soir" et de "Média d’Afrique" où des journalistes camerounais interviennent assez souvent. J’ai finalement opté pour la seconde émission plus accessible aux apprenants à cause du débit et du ton camerounais utilisés par le présentateur camerounais Alain FOKA. Je dois préciser que c’est le souci actuel de la pédagogie du français - se rapprocher au maximum de l’environnement socioculturel de l’apprenant - qui a déterminé mon choix pour ces émissions.

J’ai choisi de faire de cette émission une exploitation pédagogique pour la classe parce que, dans ma progression annuelle, j’en étais à l’initiation des élèves à la rédaction du texte argumentatif. Le contenu de l’émission sur la vie difficile des étudiants africains dans les campus universitaires d’Afrique présentait alors le corpus idéal pour conduire cette leçon avec les élèves de la troisième année du secondaire.

Mon premier objectif était d’initier les élèves à l’écoute, c’est-à-dire à l’exploitation pédagogique d’un texte oralisé, puis de les amener à identifier les outils linguistiques dans un texte oralisé, pour arriver à produire de manière autonome un texte argumentatif à valeur persuasive, et enfin de les informer sur les conditions difficiles dans le supérieur.

Ce concours a pour but de partager des expériences pédagogiques mais également de faciliter la compréhension orale du français : avez-vous utilisé cette fiche dans vos classes ?

J’ai utilisé ces fiches dans mes classes et j’en ai conçu d’autres sur le même principe pour d’autres cours, cette fois avec les médias camerounais que sont la radio, la télévision, les coupures de journaux ainsi que les chansons des auteurs camerounais et ivoiriens. C’est encore un début, et je vais progressivement aller vers d’autres médias étrangers pour éviter de les cloisonner, de les borner aux productions camerounaises et africaines.

Quelles ont été les réactions des apprenants ? Y a-t-il eu une participation active des élèves ?

À tous les coups, les élèves en redemandent ! Même si au départ tous pensent que ce sont des activités ludiques exclusivement. Mais le contenu de la leçon s’inscrit bien dans leur programme d’apprentissage et ils s’habituent à ce nouveau support d’apprentissage. Ceci améliore la compréhension orale des apprenants, si l’enseignant trouve des astuces pour les y intéresser. Par exemple, il faut porter une attention particulière aux extraits choisis, à l’initiation à l’écoute, à la progression dans le processus d’apprentissage. Pendant le cours, tout le monde prend la parole, discute, vérifie les réponses des uns et des autres. Finalement, chacun trouve cela très concret, spontané, et plus vivant. Le professeur, quant à lui, doit, comme ses élèves, être très attentif à ce travail d’écoute.

Quels conseils pratiques et méthodologiques donneriez-vous aux professeurs qui souhaiteraient, d’une part, participer à la prochaine édition du concours Prix RFI Le monde en français et, d’autre part, utiliser le support radiophonique en classe de langues ?

Le plus difficile est de commencer, a-t-on coutume de dire, et il faut, me semble-t-il respecter les consignes du concours, car tout est clairement expliqué dans le règlement. Pour ceux qui hésitent encore, ils pourraient commencer par observer attentivement les fiches des gagnants publiées sur le site, essayer de les mettre en pratique dans leurs salles de classe, et lire les commentaires qui les accompagnent. Au départ, l’essentiel n’est pas de gagner, mais de participer, et donc d’enrichir son expérience. Les conditions difficiles de travail sont notre lot quotidien, c’est vrai, mais il me semble que c’est aussi dans ces difficultés que réside le don de soi pour les vaincre, et pour réussir. Mon lycée, situé en plein centre urbain de Douala, n’a pas d’électricité, les salles de classe sont quasi inexistantes, et nous n’avons pas d’ordinateurs… Pourtant, je crois que c’est cela qui a fait ma force, et m’a poussé à braver les difficultés !

Alors un grand bravo à ceux qui osent !

Photo : © RFI / Landier - 2004

Rédaction : Emeline Giguet-Legdhen - Première publication : 01/10/05 - Mise à jour : 31/01/06

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