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Échange France-Ukraine

Un premier échange a été réalisé au mois de mai, dans le cadre du programme "Français à domicile" de la FIPF, entre Elodie Ressouches, étudiante en FLE, et Tatiana Milko, professeur de français à Kharkov (Ukraine). Celles-ci ont bien voulu nous faire part de cette expérience inédite et de leur rencontre. Enrichissement commun pour une Francophonie plus vivante que jamais…

Comment avez-vous appris l'existence de ce programme d'échanges ?

Elodie : J’ai découvert le FADOM sur le site internet de la FIPF*.

Tatiana : Je l’ai connu grâce au Journal francophone d’Ukraine.**

En quoi celui-ci est-il différent des autres et pourquoi avoir choisi d'y participer ?

Elodie : Ce programme m’a immédiatement emballée et je n’en connais pas d’autres. En tant qu’étudiante et professeur stagiaire de FLE, le FADOM m’a semblé être le moyen privilégié de découvrir le contexte dans lequel évoluent des professeurs de français à l’étranger. Selon les pays et les écoles, les conditions de vie et de travail sont très variables ; il me semblait important d’en prendre conscience et d’en faire l’expérience le plus tôt possible dans ma formation. Je souhaitais voir ce qu’est le FLE "sur le terrain" pour aborder les cours à l’université dans une perspective lucide et pratique.

Tatiana : Je ne connais pas d’autres programmes. Les Français ne sont pas nombreux à Kharkov mais quand on enseigne la langue on a souvent envie de s’adresser à un "porteur" de cette langue et de la culture du pays. Ce programme m’a paru intéressant par la facilité de l’établissement des contacts avec les Français. Je voulais depuis longtemps inviter un ou une Français(e) pour que mes étudiants puissent voir de leurs propres yeux un natif, lui parler afin de constater par eux-mêmes qu’ils peuvent s’exprimer oralement et que les Français les comprennent.

Elodie, vous avez décidé de partir en Ukraine : pourquoi cette destination ? Aviez-vous des a priori sur cette région du monde, et pensiez-vous que le français avait une place importante ?

Elodie : Je connaissais très peu l’Ukraine avant de partir. En cherchant des informations, j’ai constaté qu’il n’existe quasiment pas de guides touristiques sur ce pays (ou alors quelques pages dans des ouvrages consacrés à la Russie). Sur Internet, plusieurs sites donnent des renseignements utiles et des aperçus historiques et touristiques du pays, mais ils demeurent assez succincts. Finalement, c’est un "Que sais-je ?" qui m’a été le plus utile ! Ces recherches sans véritable aboutissement ont piqué ma curiosité au vif et l’Ukraine m’est alors apparue comme un pays très mystérieux, dont l’énigme ne se résoudrait que d’une manière : en allant voir ! Avant de partir, je n’avais aucune idée de la place que pouvait avoir le français en Ukraine, mais les premiers contacts que j’ai eu par mail avec Tatiana Milko ont été très bons. Nous avions toutes les deux beaucoup de motivation pour ce programme et une grande hâte de le mettre en œuvre, aussi nous n’avons pas tardé à monter le séjour.

Et une fois sur place, quelle ont été vos premières impressions ?

Elodie : J’ai voyagé en bus jusqu’à Kiev, dans le centre du pays, puis en train jusqu’à Kharkov, à l’est près de la frontière russe. Grâce à ces trajets j’ai pu voir un large échantillon des paysages d’Ukraine. Il y a surtout de vastes plaines (une extrémité des steppes d’Asie centrale m’a-t-on dit). Les villes m’ont fortement rappelé des voyages faits en Bulgarie, en Ouzbékistan et au Kazakhstan : les banlieues "à la campagne", les stations de métro monumentales, les trolley-bus, les vendeuses de cigarettes à l’unité, le thé, les magasins en forme de container avec une lucarne pour comptoir…

De Kharkok, Kiev et Odessa, j’ai beaucoup aimé le caractère très "vert". La nature y est présente grâce aux arbres, aux nombreux parcs et aux rives fluviales laissées sauvages. L’espace dans les rues et sur les trottoirs est très appréciable, de même que les passages souterrains qui conduisent au métro ou de l’autre côté des avenues. On y trouve une activité dont je ne me lasse pas : ce sont de micro marchés constitués de stands et de boutiques miniatures. L’héritage architectural très diversifié des villes ukrainiennes m’a donné bien des sujets de photos ! Les contrastes entre le style soviétique, les façades ornementées du XIXe siècle, la brique du XXe et les immeubles plus récents donnent aux rues beaucoup de cachet. J’ai aussi aimé l’atmosphère paisible qu’on rencontre dans la plupart des lieux, même à deux pas des artères les plus fréquentées. Tout ceci est décrit dans mon carnet de voyage multimédia sur le site www.labaraka.net.***

Vous avez pu séjourner 2 semaines chez ce professeur et visiter de nombreux établissements scolaires : quels sont-ils ? Et quel public apprend le français ?

Elodie : Tatiana Milko m’a menée dans plusieurs des universités où le français est enseigné. Certaines sont spécialisées dans la formation de professeurs de langue, comme la Faculté des Langues étrangères ou l’Université pédagogique. Dans les autres universités, telles que l’Université nationale ou la Faculté des Sciences économiques, les filières sont consacrées au droit et à l’économie, et le français y est une matière secondaire.

L’établissement où j’ai passé le plus de temps est l’International House****. C’est une école privée membre d’un réseau de plus de cent écoles dans une trentaine de pays. Cet établissement reçoit un public très divers d’enfants, de jeunes et d’adultes, qui peuvent y apprendre l’anglais, le français ou l’allemand. Les cours ont lieu dans l’après-midi et en soirée, en dehors des heures de cours et de bureau. Les motivations des apprenants sont variées : ils apprennent le français pour se cultiver, pour voyager, pour élargir leurs compétences professionnelles ou encore pour renforcer l’enseignement reçu au lycée ou à l’université.

Dans les universités, la plupart des étudiants avec lesquels j’ai discuté ont souligné que l’apprentissage de plusieurs langues étrangères est un passeport pour travailler dans une firme étrangère implantée en Ukraine ou bien dans un autre pays.

Comment se sont déroulées vos visites dans les salles de classe et dans les établissements ? Il y a t-il eu un véritable échange interculturel entre vous, française, et les étudiants et professeurs ukrainiens ?

Elodie : Les visites ont été des moments forts de ce séjour. Il y a eu de part et d’autre beaucoup de curiosité, notamment sur la vie pratique des jeunes Ukrainiens et Français d’aujourd’hui. Nous avons comparé de nombreuses questions telles que les études, les loisirs, les perspectives d’emploi, les relations avec les parents et la famille, le mariage, les goûts en musique, au cinéma… Nous avons constaté que nos cultures respectives de jeunes adultes sont relativement proches, tout au moins convergentes, et que nous partageons des valeurs communes.

Rencontrer des professeurs a été passionnant : nous avons beaucoup échangé sur les systèmes d’enseignement de nos pays respectifs, la condition de professeur, les méthodes employées, la place des langues étrangères dans les formations et la culture générale… et aussi tout simplement sur nos goûts littéraires ou encore les dernières modes en matière d’argot ! Ces rencontres ont permis de parler des réalités actuelles en Ukraine et en France.

La langue française a-t-elle, d'après vous, une place prépondérante ? Y a-t-il une motivation pour cette langue et la culture française en général ?

Elodie : En Ukraine, la place prépondérante en dehors du russe est plutôt tenue par la langue anglaise. Cependant, les étudiants et professeurs qui font le choix du français sont très manifestement passionnés par cette langue. J’ai été surprise de rencontrer tant de francophones, dont beaucoup s’expriment remarquablement bien. J’ai même rencontré un professeur qui, sans être allé en France depuis longtemps, parle presque "avé l’assent" !

Plusieurs personnes m’ont dit qu’en Ukraine la culture française est appréciée. Elle est connue en général par deux biais. L’un est celui des études, qui s’appuie sur une certaine "culture savante" à base d’histoire, de littérature ou encore de musique. L’autre est celui de l’internet et des médias (tels que TV5 et le cinéma), qui donnent une image plus contemporaine de la vie française.

Tatiana, Elodie a séjourné chez vous deux semaines et a pu visiter de nombreux établissements : qu'a apporté la présence de cette étudiante française au sein des différentes institutions francophones ?

Tatiana : On est toujours content de recevoir des Français, surtout à la Faculté des langues étrangères. A vrai dire ce n’était pas une période favorable pour les rencontres : la fin de l’année, les examens, etc. Mais on a réussi à organiser quelques rencontres avec des étudiants et des professeurs de l’Université pédagogique et de l’Université nationale. Pendant ces rencontres les étudiants ont pu poser des questions qui les intéressaient sur la vie des jeunes en France pour comparer avec la vie en Ukraine. Ces contacts sont enrichissants pour tout le monde. On a beaucoup apprécié les qualités d’Elodie. Elle a prouvé notre point de vue à propos des Français : forts sympathiques, intelligents, travailleurs et sérieux !

Comment se porte actuellement le français dans votre pays ?

Tatiana : A Kharkov, il y a beaucoup de facultés où le français est enseigné comme deuxième langue étrangère presque dans tous les établissements supérieurs, il y en a 22 nationaux et plusieurs privés.

Le français est enseigné, comme première langue dans deux facultés de langues étrangères : à l’Université nationale Karazine et à l’Université pédagogique. Il y a deux écoles secondaires spécialisées en français, où la langue y est enseignée plus que les autres matières. A part cela, il existe beaucoup de cours de langues partout en ville, à l’Alliance française, à l’International House (IH), où on peut apprendre le français.

L’intérêt pour la langue et la culture françaises reste toujours. Très souvent les gens viennent à l’école, pas seulement pour apprendre le français pour leurs besoins professionnels, mais aussi pour le plaisir d’apprendre cette langue parce que c’était leur rêve depuis longtemps. J’ai commencé mon travail à l’IH il y a trois ans avec deux groupes d’étudiants de 10 personnes. Maintenant on a cinq groupes et plus de 50 personnes. Le nombre d'étudiants varie même durant l’année, et cela est en progression.

Lors des visites d'Elodie dans les salles de classe , y a t-il eu un véritable échange interculturel entre elle et les étudiants ? Cette rencontre a t-elle été importante pour les étudiants ?

Tatiana : Les étudiants attendaient Elodie avec impatience, parce que c’était la première visite d’une Française en classe. Plusieurs d’entre eux n’ont pas encore eu la possibilité de parler avec des gens venant de France. Les étudiants lui ont posé beaucoup de questions. Elle leur a raconté des derniers événements en France. C’était vraiment un échange d’idées et d’opinions. Les étudiants aimeraient bien voir des Français en classe plus souvent. Cela leur donnerait plus de certitude en ce que la langue qu’ils apprennent est tout à fait vivante, c’est une autre langue de communication , comme la langue maternelle.

En tant qu'enseignante de français, quels sont les apports d'un tel échange ? Recommanderiez-vous ce programme à vos collègues professeurs, et souhaitez-vous participer à d'autres échanges durant l'année ?

Tatiana : Les professeurs qui ne peuvent pas se rendre souvent en France ont réellement besoin de tels échanges. C’est exactement ce que je voulais, ce que je souhaitais. Je suis satisfaite de cette expérience. C’est un grand avantage d'avoir la possibilité de poser une question sur la langue ou la mode de vie française à une personne venant du pays. On a travaillé au sein d'une bonne équipe, on a discuté des problèmes linguistiques et culturels, on a pu comparer les systèmes d’enseignement des langues à l’IH et dans les différentes écoles en France.

J’ai déjà recommandé ce programme à mes collègues à l’Université nationale et l’Université pédagogique et j’espère y participer durant la prochaine année scolaire.

Elodie, vous êtes actuellement étudiante en FLE : en tant que future enseignante de français, quels sont les apports d'un tel échange ? Cette expérience vous encourage-t-elle à devenir professeur et à continuer dans cette voie ?

Elodie : Dans la perspective de ma formation en FLE, les apports de cet échange sont très importants. J’ai découvert à l’International House des méthodes pédagogiques basées sur une très forte interactivité entre les étudiants. Ces cours ont pour principe la constante participation orale des élèves et un dispositif léger (cercle de chaises) pour faciliter le travail de groupe, les jeux de rôles, le travail au tableau… Dans ces classes, j’ai ressenti une très forte motivation des apprenants, qui grâce au dynamisme et à la créativité des leçons arrivent avec une réelle envie d’apprendre.

J’ai aussi pu mettre en pratique mes observations à l’occasion de plusieurs cours. Cette expérience a été très formatrice et orientera sans nul doute mes activités de professeur. Je rempile donc avec joie dans le FLE et m’inscrirai en maîtrise à la rentrée 2003 !

Recommanderiez-vous ce programme à d'autres étudiants, et souhaitez-vous participer à d'autres échanges dans d'autres pays du monde ?

Elodie : Je recommande sans retenue ce programme à tout étudiant, en particulier ceux qui font du FLE et qui souhaitent enseigner à l’étranger. En dehors de tous les apports humains et professionnels que ces échanges représentent, il est bon de se tester sur le terrain le plus tôt possible. Aujourd’hui, je souhaite renouveler l’expérience du FADOM - deux séjours sont en prévision…

Propos recueillis par Emeline Giguet, 29/07/03

Notes :

*FIPF/FADOM
à l'AFEF
19, rue des Martyrs
75009 Paris
Tél. : 01 45 26 44 81
Courriel : fadom@fipf.org
Programme en ligne : http://www.fadom.org

**Journal francophone d’Ukraine (édition Konstanta)
Directeur du projet, rédacteur : Guennadi Ulianitch
Tél. : (380 572) 17-55-21
Site : http://www.journalfrancophone.net/

***Site Elodie Ressouches (Récit de son voyage) : http://www.labaraka.net

****International House Language Center
7 Marshala
Bazhanova St.
Kharkiv 310002
UKRAINE
Tél. : (380 572) 400 700
Fax : (380 572) 141 109
Courriel : ih@ih.kharkiv.com

Rédaction : Emeline Giguet-Legdhen - Première publication : 2003 - Mise à jour : 31/01/06

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