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Entretien avec Jean-Pierre Cuq


Jean-Pierre Cuq est le président nouvellement élu de la Fédération internationale des professeurs de français.

Jean-Pierre Cuq

Pourriez-vous nous rappeler votre parcours ?

J’ai commencé ma carrière comme instituteur. Mais dans le même temps, j’ai poursuivi des études de lettres classiques, par correspondance comme on disait alors, jusqu’à la licence. J’ai ensuite obtenu un CAPES de lettres classiques et après avoir brièvement enseigné en France, entre autres dans une classe qui accueillait des enfants de migrants, je suis parti à Meknès, au Maroc. J’y ai fait de la formation d’enseignants, et, dans le même temps, j’ai passé une agrégation de grammaire et un doctorat en linguistique. Je suis ensuite parti à l’ENS de Sousse, en Tunisie pendant trois ans. À mon retour, j’ai passé une très belle année au BELC, puis j’ai été recruté à l’université Stendhal de Grenoble comme maitre de conférences puis professeur. J’y ai dirigé le CUEF pendant 6 ans, et l’UFR de sciences du langage. Surtout, j’y ai pris le goût de la vie associative, à l’ADCUEFE dont j’ai été le président, et dans d’autres associations. Ensuite, j’ai travaillé à l’université de Provence, et je suis maintenant à Nice. Seul, ou en collaboration avec des collègues, j’ai publié plusieurs ouvrages de didactique, notamment sur les sujets qui me tiennent à cœur, la didactique de la grammaire et le français langue seconde.

En tant que nouveau président de la FIPF, quels sont vos objectifs pour les quatre années à venir ? Quels actions et projets seront menés ?

Je compte bien mener le plus loin possible le programme que je me suis fixé et dont les objectifs sont partagés par le bureau et ont été approuvés par les associations.

Je vous en rappelle les quatre axes prioritaires.

Le premier est de faire de la FIPF un acteur efficace de la Francophonie. Pour cela elle doit être intégrée le mieux possible dans la francophonie institutionnelle, participer de toutes ses forces et autant qu’on le lui demandera aux projets de l’OIF et de ses opérateurs. La collaboration avec l’AUF et les autres opérateurs est à, mes yeux, fondamentale.

Nous devons travailler en toute confiance et étroitement avec les ministères français des Affaires étrangères et européennes, de l’Education nationale, et de la Culture, qui sont, il faut toujours le rappeler, nos principaux soutiens. Mais nous devons aussi rechercher activement une internationalisation plus grande de nos partenaires, tant auprès des États que des organisations internationales.

Sur tous ces points l’action est déjà engagée, et je me félicite de l’excellent climat qui entoure notre nouvelle équipe.

Le deuxième objectif est la modernisation de la gouvernance de la FIPF. Là aussi le travail est déjà engagé. Chaque membre de l’Équipe s’est vu attribuer un domaine de responsabilité précis. L’équipe est soudée, et la secrétaire générale a commencé un travail de fond sur la gestion, dont on verra bientôt les fruits.

Le troisième axe est de faire de la FIPF un véritable ferment de la vie associative. Cela passe par le renouvellement des liens avec les commissions et les associations et par le développement des activités pédagogiques et scientifiques, qui sont le cœur de notre métier.

Enfin, je veux rendre la FIPF plus visible. Nous mettrons bientôt au point un nouveau plan de communication ; nous réfléchissons à une meilleure utilisation de notre local parisien et, surtout, à une nouvelle politique éditoriale. Là encore, nous avons déjà commencé à nous entourer de partenaires compétents et motivés.

Vous étiez présent au dernier congrès mondial de la FIPF qui s’est tenu en juillet à Québec. Que retiendrez-vous de cette rencontre ? Quels ont été, pour vous, les moments forts du congrès ?

À titre personnel, c’est bien sûr l’élection à la présidence de la FIPF.

La confiance que m’ont témoignée les associations en m’élisant si largement m’a honoré, bien sûr, mais surtout ému. C’est une très lourde responsabilité et j’en mesure déjà tous les jours les implications en plus de mon travail universitaire : il faudrait que les journées aient au moins quelques heures de plus !

Mais de façon plus collective, qui est la seule qui importe vraiment, je crois que plus que des moments forts, c’est l’ambiance générale qui m’a marqué. J’ai trouvé des collègues heureux de se rencontrer, fiers d’eux-mêmes et de leur métier, positifs, et pour tout dire enthousiastes. Ce qui m’émeut à chaque congrès, c’est de voir combien tous ces collègues prennent plaisir à leur travail, à partager leurs difficultés mais surtout leurs réussites. C’est pour moi la justification profonde de la vie associative.

Francparler.org a publié des portraits d’enseignants du monde entier* réalisés pendant le congrès. Que vous inspirent ces témoignages de professeurs de français qui travaillent au quotidien pour l’enseignement et la diffusion de la langue française ?

Ces vidéos confirment ce que je viens de vous dire. Il y a souvent un peu d’appréhension devant la caméra ou le micro, et c’est bien compréhensible, mais surtout une grande fierté à dire qui on est, ce qu’on fait, pourquoi on le fait. Il y a une extrême diversité dans les motivations des enseignants et des élèves ou étudiants qui apprennent le français. Quand on fait la somme de tout cela, on voit bien qu’apprendre le français, et l’enseigner, couvre tout le champ possible de la passion à l’utilité professionnelle, ce qui n’est d’ailleurs pas exclusif ! Chacun trouve son compte personnel à apprendre ou enseigner le français, et c’est bien comme ça.

L’un des grands chantiers pour les 4 ans à venir sera le prochain congrès mondial qui aura lieu à Durban en Afrique du Sud. Il s’agira du premier congrès mondial sur le continent africain. Quels seront, à votre avis, les enjeux de cette rencontre ?

Ces enjeux sont énormes. D’abord bien sûr parce que, comme vous le dites, c’est la première fois qu’un événement de cette importance est organisé en Afrique dans le domaine de l’enseignement du français.

L’argument majeur qui a emporté la décision du conseil d’administration dans son choix, c’est que l’Afrique est le continent qui a le plus grand nombre d’apprenants, réels et potentiels, et aussi le plus grand nombre d’enseignants. C’est dire qu’une part importante, pour ne pas dire majeure, de l’avenir du français se joue sur ce continent.

Alors, il faut non seulement que le plus grand nombre possible d’enseignants africains puissent participer au congrès (mon objectif : 1000 professeurs africains à Durban en 2012 !) mais aussi que les collègues africains profitent de cette occasion pour montrer leur savoir-faire pédagogique et l’état de leur recherche didactique.

L’autre enjeu, qui n’est pas mince, est de donner un contenu au concept de "partenariat des langues". Je voudrais que le congrès de Durban soit l’occasion pour les langues africaines de faire connaître leur équipement littéraire, linguistique, pédagogique. Et de voir comment tout cela s’articule avec le français.

Comme vous le voyez, nous avons de la belle ouvrage devant nous !

 

* Ces portraits sont diffusés chaque semaine sur la page d’accueil du site Francparler.org (voir les portraits déjà en ligne).

Propos recueillis par Emeline Giguet-Legdhen
Première publication : 09/10/08 - Mise à jour : 09/10/08

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