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Une collection en ligne
pour enseigner les littératures francophones

Entretien avec Éloise Brezault

Éloise Brezault est chargée de la collection "Parcours littéraires francophones", au Centre régional de documentation pédagogique (CRDP) de Paris. Le principe de cette nouvelle collection est, comme son nom l'indique, de s'appuyer sur des ouvrages francophones telles que La Tournée d’automne de l’auteur canadien Jacques Poulain, Les Colères du volcan de Gisèle Pineau (Guadeloupe) ou Les Enfants de la colline sacrée de Monique Agénor (Madagascar).

Des besoins spécifiques

En imaginant cette collection avec des professeurs de français, nous voulions essayer de combler un manque : la faible représentativité des littératures francophones dans les programmes de collèges et de lycées (en dehors des textes de Senghor ou de Césaire que beaucoup d’enseignants connaissent !). Nous avions également constaté que peu de professeurs se lançaient avec leurs élèves dans l’étude d’œuvres francophones relativement récentes par peur de ne pas connaître suffisamment le contexte culturel ou la langue employée. Nous avons donc essayé de baliser un peu ce champ encore méconnu en leur montrant que certains romans pouvaient tout à fait s’inscrire dans les programmes scolaires, au même titre que des classiques de la littérature française. Et en plus, cela pouvait concerner beaucoup plus les élèves qui, souvent, viennent de pays francophones. Nous avons choisi le roman car il nous semblait plus facile d’accès pour les enseignants.

Il s’agissait également avec cette collection de s’ouvrir sur des cultures autres. Nous voulions donner aux enseignants une vision un peu globale de ces littératures francophones qui sont très diverses d’un continent à l’autre en proposant notamment des ressources bibliographiques et sitographiques conséquentes et actualisées, des groupements de textes sur un thème présent dans le roman étudié pour leur permettre de s’ouvrir à d’autres textes. En bref, les inciter à construire leur propre parcours de découverte !

Les ouvrages

Il nous a été compliqué de choisir les œuvres car les thèmes et les styles sont vastes et variés ! Nous avons donc essayé de circonscrire les recherches à différentes aires géographiques pour montrer la pluralité de la francophonie : Afrique, Maghreb, Moyen Orient, Océan indien, Asie, Amérique/Caraïbes, Europe. Nous voulions également cibler des niveaux différents (au collège et au lycée) : nous avons donc fait attention aux thèmes et à la langue (en regardant s’ils correspondaient aux programmes). L’actualité du moment a également joué : le salon du livre invitant des auteurs, nous avons misé nous aussi sur des textes contemporains qui permettraient – pourquoi pas – aux professeurs qui le souhaitent de faire venir des écrivains (comme Véronique Tadjo, Ahmed Abodehman, Monique Agénor, Gisèle Pineau, etc.) dans leurs classes. Par ailleurs, comme Assia Djebar venait d’entrer à l’Académie française, nous nous sommes dit qu’il fallait absolument qu’un professeur travaille sur un de ses textes. Et puis, pour prendre un peu la mesure des choses, j’étais en contact avec des éditeurs, des responsables de centres de documentation et d'information (CDI), et j’écoutais les suggestions de certains professeurs…

Le matériel pédagogique

Pour les premiers ouvrages (portant sur les œuvres de Jacques Poulin et Gisèle Pineau), ce matériel a été conçu en collaboration avec des professeurs de français (Mathieu Meyrignac et Nathalie Carré), à partir de leur expérience du terrain. Il fallait construire un modèle de référence pour travailler ensuite avec d’autres professeurs. Et jusqu’à présent, cela a bien fonctionné.

L’apport de la littérature francophone

Je parlerais plutôt de littératures francophones au pluriel car les histoires des auteurs parlant le français sont tellement différentes qu’il est parfois difficile de trouver des points communs : comment comparer un écrivain comme Andreï Makine et une auteure comme Gisèle Pineau ! Ensuite, ce qui est intéressant avec la francophonie, c’est qu’elle permet un regard décentré sur notre propre culture (je pense à tous ces auteurs francophones qui ont parlé d’immigration, d’intégration, d’acculturation comme Alain Mabanckou, Gisèle Pineau, Tahar Ben Jelloun…) et sur des cultures que l’on ne connaît pas forcément (sans pour autant tomber dans l’exotisme car c’est un revers qu’il faut absolument éviter !)… Je suis plutôt spécialiste de littératures africaines et je suis en train de découvrir une auteure chinoise, Wei Wei, qui dans son dernier livre, Une Fille Zhuang, raconte comment elle a été obligée d’apprendre le français dans la Chine communiste. C’est assez passionnant et drôle aussi. Je pense que les littératures francophones peuvent nous parler de notre rapport à l’autre tout en posant la question du métissage et du mélange des cultures. Et puis, il y a aussi le plaisir d’une langue différente dont on n’a pas forcément l’habitude…

Et si les littératures francophones restent encore peu connues, il faut espérer que le Salon du livre parviendra à décloisonner les frontières afin que les gens soient au rendez-vous pour rencontrer des auteurs qui ne demandent qu’à se faire connaître. On peut aussi remarquer que, peu à peu, tous les éditeurs français commencent à publier des auteurs francophones (du nord comme du sud) dans leurs collections. C’est bon signe, non ?

Rédaction : Emeline Giguet-Legdhen - Première publication : 10/03/06 - Mise à jour : 20/04/09

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